La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

La formation théâtrale en France

Vivre le théâtre sur le long terme : un luxe et un engagement

Vivre le théâtre sur le long terme : un luxe et un engagement - Critique sortie

Publié le 10 mars 2011

Gilles Bouillon a inauguré en 2005 à Tours une expérience innovante et
féconde : l’embauche pour deux ans de jeunes comédiens venus parfaire leur
formation dans le cadre d’une professionnalisation active. Le JTRC occupe les
planches et fortifie les talents !


Comment et pourquoi cette réinvention de l’idée de troupe ?

Gilles Bouillon : Le Jeune Théâtre en Région Centre a un cadre juridique
et professionnel : c’est officiellement une cellule d’insertion professionnelle,
ce qui a permis l’inscription économique du projet et suscité l’intérêt de
l’Etat et de la Région, partenaires du Centre Dramatique. L’expérience,
commencée le 1er septembre 2005, durera jusqu’en décembre 2007 et sera
renouvelée en janvier 2008. Le but est de faire en sorte que les membres de ce
noyau de troupe deviennent semi-permanents ou intermittents. Avec une finalité
avouée de recrutement, je suis allé donner des stages et des ateliers dans
plusieurs écoles. J’ai refait avec ceux que j’avais repérés un cycle de travail
à Tours pour qu’ils soient conscients de l’aventure qui les attendait : à la
fois une aventure artistique et l’inscription dans la vie d’un théâtre. Les
élèves sortant du cocon des écoles sont souvent naïfs ou ignorants. Ils
apprennent ainsi que dans un théâtre travaillent des comptables, des
techniciens, que le public ne vient pas comme ça, qu’il faut aller sur le
terrain. Certains s’aperçoivent alors qu’ils n?aiment pas ça. Ce n?est pas avec
trois ans de technique qu’on est acteur. L’essentiel est de rencontrer le public
vingt-cinq soirs de suite, de partir en tournée non seulement dans les villes
mais aussi en décentralisation, au contact de ceux qui n?ont pas forcément
l’habitude du théâtre, de s’adapter à des salles différentes, de devenir des
acteurs tous terrains : l’apprentissage se fait là. La saison dernière, les
jeunes acteurs ont joué cent fois et cette année ils joueront cent fois encore :
je crois qu’une formation est incomplète tant qu’on n?a pas connu la scène tous
les jours.

« Je crois qu’une formation est incomplète tant qu’on n?a pas connu la scène
tous les jours. »

Quels bénéfices pour les jeunes comédiens participant à cette expérience ?

G. B. : Grâce à ce premier emploi et parce qu’ils sont payés, ces jeunes
comédiens découvrent qu’ils ont des droits mais aussi des devoirs, que le
théâtre est une entreprise à l’intérieur de laquelle les artistes sont des
citoyens du service public : c’est important politiquement. Si la chose a si
bien fonctionné à Tours, c’est aussi parce que cette maison a su les accueillir
et remettre en question ses habitudes. Je suis convaincu de la valeur de ce type
d’expérience mais il est évident qu’elle vient briser un certain cycle de
tranquillité ! Il faut savoir pourquoi on fait ça ! Si on le fait, c’est
justement qu’on accepte la remise en question et c’est là qu’on rejoint le plan
artistique, premier et fondamental. En effet, cette installation sur le long
terme permet de travailler plus longtemps, de prendre le risque de se tromper,
d’échapper à l’efficacité par une méditation, une réflexion et une dramaturgie
actives. Le théâtre est un luxe mais il faut pouvoir créer les conditions de ce
luxe, qui sont l’espace, le temps et la permanence, conditions réunies ici.

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement


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