Memento mori par le Galapiat Cirque / Collectif OxO
Cirque-Théâtre d’Elbeuf / Conception et mes Galapiat Cirque / Collectif OxO
Critique
Publié le 26 septembre 2021
Lorsque des artistes de Galapiat Cirque et du Collectif OxO se rassemblent, le résultat est mortel. À cinq, ils trouvent le courage dans Memento mori de se mesurer à l’un des agrès du cirque traditionnel à la réputation la plus infernale : la roue de la mort. Une riche exploration qui les mène aux confins d’un Mexique fantasmé.
Comme pour bien des artistes de cirque, la mort est pour Galapiat Cirque et le Collectif OxO une compagne quotidienne. Non pas une ennemie, mais une présence qui pousse à ruser toujours, à trouver des feintes pour continuer un moment encore de repousser les lois de la gravité. Dans Memento mori, les circassiens – Sylvain Briani-Colin, Elice Abonce, Muhonen Hannu, Abonce Muhonen, Mirja Jauhiainen et Odilon Pindat – issus des deux groupes cités ont développé en la matière des techniques très personnelles. Ils les ont pour la première fois partagées avec un public en septembre dernier, dans le cadre du festival Furies porté par le Pôle National Cirque Grand-Est – Châlons-en-Champagne, avant une création au Cirque-Théâtre d’Elbeuf pour La Nuit du Cirque. Leur course contre la montre était déjà bien avancée. Il faut dire que la bande partait avec de sacrés atouts : un sens de la fête envers et contre tout, et un agrès au fort potentiel hypnotique. Soit une roue de la mort dans une version revue et corrigée par l’un des interprètes du spectacle, Odilon Pindat, concepteur fou de catapultes, de canons humains et autres agrès nouveaux, qu’il met au service de plusieurs compagnies, dont le collectif Galapiat. En miniaturisant ce symbole du cirque traditionnel, l’artiste permet à lui-même et à ses quatre complices de développer certaines figures classiques de la fameuse roue infernale et d’en inventer de nouvelles. Le tout dans un rapport très direct au spectateur, qui est ainsi dans Memento mori un allié précieux des circassiens dans leur pied-de-nez à la Grande Faucheuse. C’est parti pour un voyage, qui ne sera pas le dernier.
Changement d’échelle du risque
Dès leur entrée sur leur aire de jeu, qu’ils peuvent installer partout ou presque dans l’espace public, les auteurs et interprètes de la pièce annoncent à la mort non pas la, mais les couleurs de leur pièce. Avec les masques rouges, jaunes, bleus ou verts qu’ils arborent au pied de leur roue de sept mètres de haut – contre dix environ pour une roue classique –, ils posent les bases d’une relation festive à la mort. La référence à la fête des morts mexicaine est d’emblée évidente ; elle l’est davantage encore par la suite, grâce aux chants et aux danses qui se mêlent à l’acrobatie. Avec un sixième partenaire, un squelette-marionnette qui sort du cercueil pour rejoindre les vivants, les cinq complices s’emparent aussi de l’imagerie du tarot divinatoire. L’arcane 10, où s’accrochent un singe et un chien, surplombés par un Sphynx assis au sommet, leur inspire des scènes à deux, trois, quatre ou cinq dans lesquels ils utilisent la roue de différentes manières inattendues : comme un trapèze volant, une catapulte, une piste de vélo ou encore un plongeoir. L’exploration du passé, dans Memento mori, est le moteur de la fabrication d’un nouveau langage, où un agrès peut en contenir plusieurs et où les contraires se fréquentent allègrement, jusqu’à parfois se confondre. Le petit y paraît très grand, Eros a des airs de Thanatos et inversement. Idem pour le neuf et l’ancien.
Anaïs Heluin
A propos de l'événement
Memento moridu vendredi 12 novembre 2021 au dimanche 14 novembre 2021
Cirque-Théâtre d'Elbeuf
plateforme 2 pôles cirque en Normandie, 2 rue Augustin Henry, 76500 Elbeuf
Tel : 02 32 13 10 50. www.cirquetheatre-elbeuf.com
Spectacle vu au festival Furies du Pôle National Cirque Grand-Est – Châlons-en-Champagne.