La Terrasse

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Place au cirque ! 2021

Cry me a river de Sanja Kosonen

Cry me a river de Sanja Kosonen - Critique sortie Cirque Lannion Carré Magique
Sanja Kosonen, Inka Pehkonen et Nedjma Benchaib dans Cry me a river. © Sébastien Armengol

CARRÉ MAGIQUE / ÉCRITURE ET MES SANJA KOSONEN
Critique

Publié le 26 septembre 2021

D’une envie d’écrire autour de l’expression des émotions, Sonja Kosonen tire un spectacle envoûtant, qui tisse son atmosphère étrange au travers de tableaux fragmentés, où le chant, la danse et les arts du cirque se marient harmonieusement.

C’est un spectacle poétique et étrange, parfois déroutant dans sa tendance à juxtaposer des vignettes dont les rapports ne sont pas immédiatement évidents. Comme une peintre impressionniste construirait son œuvre d’ensemble à petites touches, Sanja Kosonen se sert des langages artistiques comme d’autant de couleurs sur sa palette. Jonglage, trapèze Washington, danse, fil sont associés dans cette tentative d’inventer des rituels où les personnages renoueraient avec leurs émotions. Les chants traditionnels, poignants, trouvent un écho dans les projections vidéos créées en direct, qui contribuent à nimber le spectacle d’une aura irréelle. On est dans une écriture résolument contemporaine : ici, au lieu d’une succession de numéros ou d’une dramaturgie simplement narrative, on est face à un tuilage de tableaux qui se détachent sur un fond d’obscurité, comme dans un rêve dont les épisodes surréalistes ne font sens qu’à un niveau intime et symbolique. Ici, les jeunes femmes épousent des ourses, et les vivants dansent avec les morts. On peut hésiter à trouver toutes les séquences pertinentes – notamment un passage jonglé qui ne nous semble rien apporter à l’ensemble. Mais le spectacle, pris dans son ensemble, trouve une force et une forme de cohérence.

Le fragile déplacement vers un nouvel état émotif

Graduellement, le philtre préparé par Sanja Kosonen opère, et on se trouve gagné par une sorte d’état de sensibilité accrue, comme une porosité retrouvée de l’âme aux émotions. Pour y parvenir, la metteure en scène se donne une grande liberté. Elle part du folklore pour le télescoper avec la modernité, convoque le bouffon au cœur de la poésie, disperse les métaphores à tout va. Et ce n’est pas parce que les pleurs sont son point de départ – qui donne lieu à une scène étrange, belle et poétique, dans laquelle une scientifique prélève une larme d’une femme, qui entreprend de la décrire – que le rire et l’absurde ne sont pas conviés, pour ouvrir sur d’autres émotions. Un soin méticuleux est apporté à la beauté visuelle et plastique, en plus du chant et de la musique. Les passages aériens – danse sur fil, trapèze – sont sublimes, et très bien mis en valeur. Et le final, où chaque personnage réussit à retrouver un état de pureté qui le libère, est d’une justesse et d’une beauté confondantes.

Mathieu Dochtermann

A propos de l'événement

Cry me a river
du vendredi 12 novembre 2021 au samedi 13 novembre 2021
Carré Magique
Parvis des Droits de l’Homme, Lannion

à 20h. Durée : 1h10.

Tél. +33 (0)2 96 37 19 20.

Également les 26 et novembre 2021 au Prato, Lille, et du 18 au 25 mai au Monfort Théâtre, Paris. Spectacle vu au festival SPRING, à Cherbourg.

 

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