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Place au cirque ! 2019

L’Aile du Radeau (Don Quichotte à la dérive) de Gilles Defacque

L’Aile du Radeau (Don Quichotte à la dérive) de Gilles Defacque - Critique sortie  Lille
Crédit : Lyne.K. Le duo Gilles Defacque / Jacques Motte au cœur de L’Aile du Radeau.

En tournée / mes Gilles Defacque

Publié le 28 septembre 2019

Avec sept interprètes, Gilles Defacque construit un numéro d’auteur et d’acteur cousu sur-mesure pour habiller le personnage de Cervantes, et mieux épingler le monde qui nous entoure.

C’est Gilles Defacque, en bon maître des lieux, qui salue ses sujets et sonne les trois coups : le voici grand ordonnateur de la représentation, à la fois Monsieur Loyal, narrateur, metteur en scène, réalisateur sur un plateau de cinéma, personnage de fiction… et, tout simplement, clown. Sa création est à l’avenant : un montage joyeux et sans complexe autour du personnage de Cervantes, rassemblant non seulement les obsessions et les désirs de Defacque, mais aussi les travers de la société dans laquelle nous vivons. Son acteur fétiche, Jacques Motte, est tout désigné pour opérer sa transformation en Don Quichotte. Ça tombe très bien, il aime la médiocrité ordinaire. Son salut arrive alors par le livre : à consommer sans modération, puisqu’il est celui avec lequel on se shoote, donnant lieu à une scène d’une exquise drôlerie. Si les situations de corps clownesque sont nombreuses – parfois à travers un seul regard, un seul clin d’œil –, c’est avant tout le texte qui offre la trame humoristique du spectacle. De grands auteurs se mêlent à Cervantes et aux bons mots de Gilles Defacque pour pointer ce que notre monde a de plus désolant. Sa dérive s’étale dans les horreurs qui font l’actualité chaque jour et que l’auteur et directeur du Prato distille au gré de ses paroles. On y croise d’un côté la lutte contre le glyphosate et Monsanto, la critique des discours grandiloquents à l’ONU, de la société des écrans où l’on trouve une application pour chaque problème à régler… quand de l’autre les premiers de cordée croisent Marine, Jeanne d’Arc ou les « végan du gland ».

« La poésie sera notre Eldorado »

Personne n’est épargné dans ce spectacle où les artistes se moquent d’eux-mêmes et du monde, parfois frontalement en mode name dropping. Mais jamais ils ne lâchent le personnage de Don Quichotte et ses rêves. On regrette que les femmes fassent office de figurantes dans la première partie ; il faudra une scène d’hystérie pour qu’elles s’émancipent et s’emparent de Prévert pour s’affirmer. Car finalement, c’est par elles que s’expriment le mieux l’utopie, le rêve d’Eldorado, la quête de liberté et la folie qui caractérisent le personnage. Marcella en tête, qui a « le goût de la liberté et ne veut pas être asservie ». Ce sont elles, qui par le cirque – contorsions, acrobaties, équilibres –, libèrent le mieux les corps. Gilles Defacque réussit ici, en filigrane, un bel hommage à l’artiste en la figure de Don Quichotte : « Don Quichotte transfigure tout ce qu’il voit, tout ce qu’il sent », répète-t-il. Au-delà, et sous couvert d’un burlesque parfaitement maîtrisé malgré les signes d’une apparente décontraction, il plonge le spectateur dans une profonde réflexion : comment défendre et soutenir nos désirs dans un monde aussi complexe et cauchemardesque ? Par l’amour, répond-il, et par la liberté affirmée d’être, et de faire.

 

Nathalie Yokel

A propos de l'événement

L’Aile du Radeau (Don Quichotte à la dérive)
du mardi 8 octobre 2019 au vendredi 6 décembre 2019


Le 8 octobre 2019 à 20h à Aubers; le 6 décembre 2019 à 14h30 et le 7 décembre à 20h30 au Boulon à Vieux Condé. Spectacle vu au Prato à Lille

 

Le Prato, théâtre international de quartier, Pôle National Cirque, 6 allée de la Filature, 59000 Lille. Tél. : 03 20 52 71 24.

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