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Eugenio Barba : Le détour par l’Orient pour mieux revenir à son expressivité

Eugenio Barba : Le détour par l’Orient pour mieux revenir à son expressivité - Critique sortie

Publié le 10 mars 2011

Selon l’universitaire Monique Borie pour laquelle Eugenio Barba n?a pas de
secret, le maître de l’Odin Teatret a trouvé en Orient un modèle pédagogique de
transmission, un modèle de technique de l’acteur et de technique du corps. Le
frottement des héritages divers construit une véritable identité professionnelle
de l’acteur.


Comment Barba se situe-t-il par rapport à ses propres maîtres ?

Monique Borie : Barba a toujours revendiqué Jerzy Grotowski pour maître
essentiel. La construction de cet héritage passe d’abord par une école du
regard. Barba a passé trois ans chez Grotowski, assis sur une chaise : il a tout
appris en regardant, en observant, en s’imprégnant. La transmission ne relève
pas seulement du « faire » avec un maître, mais dépend aussi de cette école du
regard. Lui-même, quand il a fondé en 1979 l’ISTA (International School of
Theatre Anthropology), une université itinérante dont la finalité était de
travailler sur la technique de l’acteur et d’élaborer des principes pour la
mettre en place, est resté attentif à l’école du regard. Sur la question de
l’héritage des maîtres, Barba a insisté également sur l’importance des livres.

L’Odin Teatret a fêté ses quarante ans en 2004 au Danemark avec un
colloque autour de la notion de laboratoire.

M. B. : Les jeunes élèves acteurs et les étudiants des instituts
théâtraux ont posé cette question de l’impossible appropriation de l’héritage du
passé. Barba invite au contraire à la re-visitation des textes de Meyerhold, de
Brecht, d’Artaud, un héritage vertical dont traite son ouvrage, Le Canoë de
papier
.

« Pour Barba comme pour Mnouchkine, l’Orient est le territoire de l’art par
excellence. »

Pour ce qui est de la relation disciple à maître, quel est le point de vue de
Barba, hérité de Grotowski ?

M. B. : Le vrai disciple n?est pas celui qui reproduit la démarche du
maître. L’héritier véritable serait plutôt le mauvais fils, celui qui définit
son originalité par rapport à l’héritage du père. Dans la relation maître à
élève, le vrai maître est celui qui aide l’élève à définir son identité. Pour
Grotowski, le véritable héritier de Stanislavski, c’est finalement Meyerhold, le
fils rebelle.

Les acteurs en Occident, selon Barba, n?héritent ni d’une tradition fondée
sur un savoir technique, ni d’un répertoire de « bons conseils », à la façon
orientale.

M. B. : L’acteur occidental doit trouver des bases capables de lui
fournir une expressivité, étrangère à l’usage quotidien du corps ou à un travail
de type réaliste ou psychologique. L’acteur peut obtenir le moyen de créer ce
qu’il appelle le corps extra quotidien ou le corps fictif jusqu’à construire une
expressivité scénique dont la qualité de présence n?a rien à voir avec la
gestuelle quotidienne. Dans cette perspective, le détour par l’ailleurs ?
notamment, par l’Orient ? est essentiel pour mieux approcher ce qu’il appelle
« les principes qui reviennent », les lois de base de l’expressivité de
l’acteur. Ainsi, pour Barba comme pour Mnouchkine, l’Orient est le territoire de
l’art par excellence. Il y aurait une tradition des traditions, un noyau commun
vers lequel l’acteur essaye de réinscrire sa propre identité professionnelle.
Barba est un metteur en scène pédagogue qui étudie l’homme en situation de
représentation à travers la quête approfondie de ces principes de base, pour
accéder enfin à une belle expressivité physique du corps en scène.

Propos recueillis par Véronique Hotte

L’Énergie qui danse ou l’art secret de l’acteur, Eugenio Barba, Nicola
Savarese ? éditions Entretemps ? à paraître été 07

 

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