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Ecole de l’exigence

Ecole de l’exigence - Critique sortie
© Anne Deniau / Wilfried Romoli, une étoile de retour à l’école de danse de l’Opéra de Paris.

Publié le 10 octobre 2009

Enfant, à l’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris, Wilfried Romoli était plus western que tutu, plus Bébel que Nijinski… Il cultivera ensuite sa singularité dans de grands rôles, issus notamment du répertoire contemporain et surprendra toujours, même lors de sa nomination en tant que danseur étoile. 2008 marque l’année de ses adieux, mais aussi celle de son retour à l’Ecole… Pour un nouveau rôle de pédagogue qu’il prend très à cœur.

Après une vie passée à l’Opéra, pourquoi avez-vous choisi cette nouvelle posture de « passeur » ?
Wilfried Romoli :
Toute ma vie les gens ont choisi pour moi. Je dois avoir une bonne étoile car ils ne se sont pas trop trompés ! Après mes adieux, je n’imaginais pas quitter absolument la danse, quitter l’odeur du studio, et repartir avec mes secrets. Sans prétention, il y avait quelque chose d’immoral dans le fait de ne pas redonner. Elisabeth Platel (directrice de l’Ecole de Danse, ndlr) m’a tout de suite fait une proposition. C’était bien de démarrer là, de retourner à la base pour devenir pédagogue. Je suis professeur de la 4ème division garçons, un âge où l’on commence certaines difficultés techniques. Pour les grands, j’enseigne des variations du répertoire, et le pas-de-deux. L’Ecole me permet aussi de continuer à danser : dernièrement dans Le Sacre du Printemps de Pina Bausch, et prochainement en reprenant le rôle d’Angelin Preljocaj dans son Funambule…

La singularité de votre parcours se retrouve-t-elle dans votre enseignement ?
W. R. :
C’est vrai que ma personnalité est atypique. C’est peut-être parce qu’enfant, je n’étais pas doué, qu’aujourd’hui j’aide celui qui ne l’est pas, sans être dans le jugement. Je n’avais pas un corps facile, alors j’arrive peut-être à trouver des solutions plus facilement pour les autres. Ce sont des choses que je comprends aisément. Je pense que notre génération est très différente dans sa pédagogie parce que l’on a fait beaucoup de contemporain.

« Je pense que notre génération est très différente dans sa pédagogie parce que l’on a fait beaucoup de contemporain. »

Il y a donc une évolution de la pédagogie de cette école…
W. R. :
Elisabeth Platel est une grande danseuse classique, mais elle projette une programmation en ouverture qui passe aussi bien par le contemporain que par la danse de caractère. L’école est obligée de s’adapter ; il faut évidemment former des danseurs capables d’assumer les propositions de Brigitte Lefèvre pour le ballet de l’Opéra. Aujourd’hui, ce que l’on demande à un danseur quand il arrive est très complexe : il peut être projeté dans Le Sacre de Pina Bausch au bout de trois mois ! Ils  sont très ouverts, ne serait-ce que par tous les spectacles qu’ils voient à l’Opéra. Cela produit des danseurs formidables.

Est-ce une école de la souffrance ?
W. R. :
Il est évident que l’on fait attention aux élèves. Elisabeth Platel est très attentive à cela. Il faut savoir que ce sont des enfants qui travaillent beaucoup. Mais je ne les sens pas en souffrance, tout comme je n’ai pas souffert non plus. Il faut démystifier cette idée-là. A mon époque les professeurs avaient peut-être moins de connaissances. Aujourd’hui, on leur apprend à s’échauffer différemment, on prend beaucoup plus soin du corps, l’étirement a changé… Je m’inspire de Feldenkrais, du yoga… Mais la douleur est inhérente à tout travail physique. Je ne dis pas qu’on doit avoir mal. Mais croyez-vous qu’en dansant le Sacre de Béjart, on n’a pas mal aux jambes ? Il faut bien les préparer. Maintenant, oui, c’est l’école de l’exigence, de la sévérité, car eux-mêmes se retrouveront très vite face à des chorégraphes extrêmement rigoureux et exigeants. Mais jamais d’humiliation, jamais de vexation, même si, parfois, je gronde… Et si, à la fin, il y a une sanction qui fait que beaucoup de ces enfants ne rentreront pas dans le corps de ballet. Mais ce n’est pas une école impitoyable : je me sens en responsabilité vis-à-vis de la compagnie car je dois former des danseurs qui doivent faire de cette troupe une belle troupe, et j’ai aussi une responsabilité en tant que pédagogue et un peu comme « papa », vis-à-vis de ceux qui ne sont pas pris, en leur donnant le meilleur bagage possible pour que tous trouvent du travail.

Propos recueillis par Nathalie Yokel

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