La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

La formation théâtrale en France

De l’initiation à l’insertion du comédien 

De l’initiation à l’insertion du comédien  - Critique sortie

Publié le 10 mars 2011

Emmanuel Wallon, professeur de sociologie politique à l’Université Paris-X
Nanterre, chercheur en politiques culturelles, analyse le paysage très morcelé
de la formation théâtrale en France. Il revient à l’acteur en devenir de frayer
son chemin entre les domaines public et privé, les communes et l’Etat, les
conservatoires et les universités, les enseignements initiaux et la formation
professionnelle.

Quelle est l’architecture du système ?

A défaut de plan d’ensemble, on peut distinguer plusieurs strates et
secteurs. Une ligne sépare d’abord les cours privés de l’enseignement public. Ce
dernier paraît assez hiérarchisé, depuis les classes d’art dramatique au sein
des conservatoires municipaux (contrôlés ou non) jusqu’aux établissements
d’excellence tels que le CNSAD, l’école du TNS, l’ENSATT et maintenant l’ERAC,
en passant par les écoles nationales de musique (ENM) et les conservatoires de
région (CNR), parmi lesquels se distinguent Bordeaux et Montpellier. Toutefois
ces différents niveaux ne marquent pas forcément les étapes successives d’un
cursus. Ainsi les conservatoires locaux traitent de demandes variées :
initiation d’amateurs, formation à finalité professionnelle, préparation aux
concours des écoles supérieures. Par ailleurs quelques théâtres publics ont créé
des écoles en leur sein, sous l’impulsion d’un directeur soucieux de
transmission : le TNB à Rennes, le CDN de St-Etienne, le Théâtre du Nord à
Lille, le CDR de Tours… De leur côté, les facultés abordent l’esthétique,
l’histoire ou l’économie du théâtre

dans leurs départements d’arts du spectacle, mais elles offrent peu de
possibilités de jeu. La césure entre théorie et pratique est un trait du modèle
français. D’autres pays préfèrent les écoles implantées dans les campus ou les
filières attachées à des théâtres. Beaucoup d’étudiants souhaitent à juste titre
associer réflexion et action. Dans le cadre de la réforme des cycles
universitaires, il faut donc établir des passerelles en favorisant la validation
des acquis de l’expérience et les équivalences entre les diplômes.

Quelles dynamiques ont abouti à cette configuration ?

L’Etat réserve l’essentiel de ses moyens aux écoles supérieures, signataires
d’une charte en 2002, laissant aux collectivités territoriales d’une part, au
marché d’autre part, le soin d’accueillir les nombreux prétendants à la
carrière. La loi du 13 août 2004 ne précise guère les responsabilités des
départements et régions en cette matière. On attend toujours un schéma national
comprenant des critères de classement des écoles.

« L’importance de la formation continue caractérise la profession, pour la
demande aussi bien que pour l’offre puisqu’elle est souvent assurée par des
compagnies agréées par l’AFDAS. »

« On attend toujours un schéma national comprenant des critères de classement
des écoles. »

 

Peut-on distinguer des caractéristiques dans les parcours ?

Quoique le mythe de l’autodidacte perdure, la plupart des comédiens ont suivi
une formation spécialisée, voire plusieurs. Ils ont en général débuté tôt dans
des ateliers d’amateurs, grâce à un conservatoire municipal ou, trop rarement,
dans le cadre scolaire, avant de s’engager dans une formation à visée
professionnelle. Beaucoup ont suivi des cours privés dont les procédés incluent
de fait une forme de sélection par l’argent, mais qui permettent parfois
d’accéder ensuite à une institution publique. Certains ont mené en parallèle (ou
en alternance) des études à l’université. Si les comédiens frais émoulus
souhaitent vite se faire connaître sur les plateaux et enrichir leur art au
contact de praticiens aguerris, un grand nombre devra faire ses débuts en jouant
avec des camarades de promotion. Ils ne cesseront pas cependant de se former
tout au long de leur carrière : soit pour satisfaire aux exigences d’un rôle qui
les pousse à suivre un cours de langue, un travail de masque ou un stage
d’équitation; soit pour surmonter une période de chômage, ou encore pour
acquérir les rudiments utiles à la gestion de leur propre compagnie.
L’importance de la formation continue caractérise la profession, pour la demande
aussi bien que pour l’offre puisqu’elle est souvent assurée par des compagnies
agréées par l’AFDAS.

Les dispositifs répondent-ils aux besoins ?

Durant son parcours, un comédien travaillera au théâtre, au cinéma, à la
télévision, à la radio, sinon dans des parcs de loisirs. Cette variété des rôles
et des emplois est redoublée par une pluriactivité, car une seule personne
combine parfois les tâches de comédien, dramaturge, metteur en scène,
administrateur, formateur? En outre, les spectacles requièrent de plus en plus
de savoirs transdisciplinaires, alliant théâtre et musique, danse, cirque et
vidéo. Au regard de ces facteurs, le projet professionnel de chaque élève semble
trop souvent négligé dans les cursus. Les élèves en sortent mal avertis des
réalités économiques et sociales du métier, avec ses inégalités et ses
accidents. Il incombe aux pouvoirs nationaux et régionaux d’encourager
l’insertion mais aussi de faciliter les reconversions. Enfin le contenu des
enseignements, centrés sur l’interprétation du répertoire, ne reflète pas
vraiment la diversité des courants du théâtre d’aujourd’hui.

Entretien réalisé par Gwénola David

 

A propos de l'événement


x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le spectacle vivant

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le spectacle vivant