La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Le Cirque contemporain en France

Daral Shaga

Daral Shaga - Critique sortie
Crédit portrait : Amandine Dooms Légende : Philippe de Coen, directeur artistique de la compagnie Feria Musica.

Fondation BNP Paribas : 15 ans d’engagement auprès des Arts du Cirque /Livret Laurent Gaudé/ musique Kris Defoort / mes Fabrice Murgia / direction artistique Philippe de Coen

Publié le 11 novembre 2014

Cet opéra circassien donne vie à tous ces hommes et ces femmes, sur le chemin d’un exil contraint et douloureux. Philippe de Coen entremêle les écritures dans une tragédie des temps actuels.

Quelle est la démarche de la compagnie Feria Musica, qui vous a conduit à ce spectacle, et pourquoi un « opéra circassien » ?

Philippe de Coen : Feria Musica est une compagnie belge qui propose des spectacles où l’idée est vraiment de raconter, au-delà de la performance acrobatique. Il ne s’agit pas de faire des enchaînements de numéros, ce sont les acrobaties qui viennent servir le spectacle, avec un mélange d’agrès et de scénographies particulières. L’aspect musical est très important, car les musiciens sont sur scène et la musique est construite pendant la création en synergie avec le plateau. Daral Shaga est né de l’idée de l’Opéra de Limoges. C’est un « opéra circassien », simplement dans le sens où c’est un opéra monté par une compagnie de cirque, et où le cirque est un niveau d’écriture du spectacle, comme il y a une écriture du livret, de la musique…

« Le cirque est un niveau d’écriture du spectacle, comme il y a une écriture du livret, de la musique… »

Quels sont les créateurs à qui vous avez fait appel pour ces autres écritures ?

P. de C. : Je ne voulais pas travailler avec un texte de répertoire, car l’idée était vraiment de faire un opéra contemporain. C’est en lisant Eldorado de Laurent Gaudé que l’idée m’est venue de traiter de ce thème, comme une tragédie. Laurent a travaillé sur un tout nouveau texte, un texte troué, qui permettait d’avoir des espaces dans lesquels on pouvait travailler le mouvement. Après est intervenu le compositeur Kris Defoort. J’aime sa musique qui a une grande palette, qui va du baroque au jazz, et ces élans se retrouvent dans la recherche acrobatique.

Quel a été l’apport du metteur en scène Fabrice Murgia ?

P. de C. : Je cherchais un metteur en scène qui ne connaisse pas le cirque et qui apporte une certaine fraîcheur. A travers son spectacle Exils, il avait traité de problématiques semblables, et je suis très sensible à son travail lié à l’image sur le plateau. Dans Daral Shaga, la vidéo crée une belle  proximité avec la notion d’effort, d’essoufflement, au plus près de l’énergie.

Que nous raconte Daral Shaga à travers le cirque ?

P. de C. : C’est l’histoire d’un père et de sa fille qui quittent leur village pour rejoindre un eldorado. Et c’est celle d’un immigré désabusé qui veut faire le chemin inverse pour sauver son âme. Ce sont deux trajets qui se retrouvent au pied d’une grille. La problématique du mur était déjà présente dans notre dernier spectacle : jusqu’où accepter les contraintes, et lâcher prise ? Tous nos spectacles ont un contenu qui nous ramène à des questions sociétales. Ces gens qui quittent leur pays ont un courage immense, et nous parlons peu de leur souffrance et de leur abnégation. A travers le cirque, nous montrons l’obstination à passer un obstacle. Une course jusqu’à l’épuisement dans laquelle les corps se jettent. Des images très fortes naissent : des acrobates en suspension avec des contrepoids, un main à main de couples qui traversent le désert, le cadre coréen qui raconte la détermination, ou un travail qui normalement se fait dans le tissu aérien mais qui utilise une double chaîne. C’est violent, douloureux, il y a une rudesse du mouvement que l’on rend plus gracieux.

 

Propos recueillis par Nathalie Yokel

 

Création les 25 et 26 septembre 2014 à l’Opéra-Théâtre de Limoges, dans le cadre des Francophonies en Limousin. Tournée. Scène nationale de Besançon, du 7 au 9 octobre. Le Maillon à Strasbourg, du 4 au 6 décembre. MC2 de Grenoble, le 20 mars.

A propos de l'événement


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