Avec « Baal » Florence Bernad questionne les rapports homme-femme
Critique
Reprise / Théâtre Molière à Sète / La Verrerie à Alès / Chorégraphie Florence Bernad
Publié le 30 septembre 2023
Florence Bernad n’y va pas par quatre chemins pour surexposer la masculinité et questionner les rapports homme-femme. Par la performance acrobatique « bien habillée de tous ses muscles », elle bouscule notre regard et fait une place salutaire à un groupe de femmes amatrices.
Attention, les cinq hommes qui font l’ouverture de Baal vont occuper le terrain. Lancés sans ménagement comme des boulets de canon dans une danse très virtuose, presque martiale dans certaines attitudes, ils s’arrêtent pour mieux reprendre leurs solos virtuoses. La chute, le salto, le headspin, sont les figures qui ponctuent leurs trajectoires savamment croisées dans l’espace, hyper véloces, et d’une grande fluidité. Florence Bernad a réuni une équipe d’acrobates et de danseurs maîtres de leurs techniques, que notre regard de spectateur ne tarde pas à admirer. Franck Saurel se détache ensuite du groupe pour prendre le micro. Sa voix profonde et posée commence alors une énumération – anaphore qui deviendra le leitmotiv du spectacle – de ce qu’il est en tant qu’homme. Sans doute l’homme du XXIe siècle que l’on souhaiterait rencontrer plus souvent : « Je suis la prise de conscience », « je suis le pardon », « Je suis l’homme qui partage sa place »… Mais ce que Baal pose ainsi, Baal le reprend dans une bascule qui trouble notre regard : ceux-là mêmes qui nous avaient fascinés reprennent une danse qui sous d’autres voix (« je suis le petit garçon à qui on ne passe pas le ballon », « Je suis l’hystérie au stade », « je suis la crainte dans les yeux de ta sœur »…) se teinte différemment.
En prise avec le réel
Leur virtuosité se met alors au service d’une forme de masculinité où la performance – jusqu’aux portés, aux colonnes, aux envols – grince de gestes toxiques et agressifs disséminés çà et là. Une grande ambiguïté s’installe, entre la qualité du toucher doublée d’une attention à l’autre nécessaires à ce ballet acrobatique bien réglé, et la sensation d’un Boys Club qui se dégage. Dès lors, les mots sur la domination patriarcale se font de plus en plus durs. L’irruption d’un groupe de femmes apporte un nouveau souffle. Florence Bernad a choisi de mettre en scène des amatrices, dans une diversité qui offre un beau contrepoint. Elles aussi vont prendre la parole, sur le même mode, en osant parler de leurs faiblesses. Mais elles doivent trouver leur place sur le plateau, batailler pour avoir le micro, faire entendre leurs revendications. Finalement, l’engagement non feint de Florence Bernad ne fait que transposer la réalité des rapports homme-femme de notre société, puisant ses textes dans la vérité de témoignages, ou dans la justesse d’écrits d’intellectuels de notre temps. L’effet statistique qui vient appuyer son propos déjà très clair n’est sans doute pas nécessaire, et l’on préfère les nuances apportées par les corps et la poétique de la parole. Ces femmes lambda, devenues également à nos yeux admirables mais d’une tout autre façon, se révèlent alors et emportent tout dans l’exultation de leurs corps dansants. Elles offrent une échappée belle et salutaire que saura saisir le reste de l’humanité.
Nathalie Yokel
A propos de l'événement
Baaldu dimanche 19 novembre 2023 au dimanche 19 novembre 2023
Tél : 04 66 86 45 02. Théâtre Molière - Sète, scène nationale archipel de Thau, Avenue Victor Hugo, 34200 Sète. Le 18 novembre à 20h. Tel : 04 67 74 02 02. Spectacle à Occitanie fait son cirque en Avignon. Ile Piot.