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"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Cirque - Critique

“Honda Romance” de Vimala Pons, une polyphonie séduisante mais déconcertante de questions sans réponses

“Honda Romance” de Vimala Pons, une polyphonie séduisante mais déconcertante de questions sans réponses - Critique sortie Cirque Paris Odéon-Théâtre de l’Europe
Honda Romance Crédit © Philippe Jarrigeon

Théâtre de l’Odéon / Paris / Conception, écriture et mise en scène Vimala Pons avec Tsirihaka Harrivel

Publié le 16 octobre 2025 - N° 337

Vimala Pons, le déséquilibre émotionnel, la résilience rebaptisée « obstination antique », un satellite à l’amour toxique, le capitalisme de la catastrophe, un chœur magnifique, les synthés de Rebeka Warrior : mélangez tout cela et vous obtenez Honda Romance. La rencontre avec le public a lieu : cette polyphonie de questions sans réponses le séduit au moins autant qu’elle le déconcerte.

Comme créatrice de spectacle vivant, Vimala Pons se singularise par une démarche libre, où l’intuition s’allie à l’habileté formelle. Au départ de cette nouvelle création, trois fulgurances : la vision d’un satellite sur scène ; l’envie de travailler sur les émotions ; la conception de la marche comme un acte de résilience. De ces trois intuitions, naissent les trois actes du spectacle, différents par leur dispositif mais traversés par la même urgence : représenter le vertige émotionnel face à un monde qui se dérobe. Au final, on en retire peut-être un chemin pour se reprendre – au sens physique : se relever, rester debout dans la tempête, se remettre en mouvement. Ce qui se traduit sur scène par résister à l’écrasement de ce satellite nommé Honda Romance ; traverser une tempête d’émotions successives en étant giflé par les éructations de canons à vent ; inviter  un choeur qui marche sans discontinuer, mêlant une technique vocale virtuose aux gestes les plus quotidiens, dans lesquels le néocapitalisme s’est partout infiltré, des chips industrielles au smartphone en passant par le gobelet de café latte.

Patiente auscultation des névroses collectives d’une société au bord de l’effondrement

Si le porté du satellite fait presque figure d’anecdote – vite évacuée, la scène est comme une autocitation obligée pour une métaphore attendue –, la prouesse d’actrice consistant en l’incarnation, dans une enfilade vertigineuse, d’une myriade d’états émotionnels sur un texte d’une précision chirurgicale est au contraire remarquable, sans que l’on sache trop dire si l’on croit à la transe auto-induite qui est censée en découler. L’apparition du chœur circulant est comme une caresse après l’agression des canons à vent démultipliée par le son amplifié. C’est dans ce troisième acte que se loge toute la grâce de Honda Romance, dont le début n’est cependant pas dépourvu d’intelligence ni d’humour. On savoure la beauté de la juxtaposition d’individualités fortes et de corps différents, unis par une partition de pas et de gestes. Le chant lyrique s’y fond dans la musique électronique, l’anodin s’intrique au sublime, l’individuel et le collectif se rejoignent. La chute, pleine de délicatesse, remet le théâtre en prise avec la réalité, et ouvre la porte à l’incident et au cocasse. De ce spectacle protéiforme, on ressort avec un sentiment confus – ce qui résonne avec le propos. Les procédés du théâtre n’en sortent pas renouvelés, mais parmi les mille masques qui sont passés sur scène, chaque personne pourra reconnaître certains des siens : ainsi l’addition du particulier vient-elle constituer le collectif. Honda Romance nous aide sans doute, un peu, à regarder nos névroses et nos contradictions, et à en sourire.

Mathieu Dochtermann

A propos de l'événement

Honda Romance
du mardi 14 octobre 2025 au dimanche 26 octobre 2025
Odéon-Théâtre de l’Europe
place de l’Odéon, 75006 Paris

à 20h.

Tournée :

Également les 21 et 22 novembre 2025 à l’Opéra de Rennes dans le cadre du festival TNB, du 4 au 7 décembre 2025 au CENTQUATRE-PARIS dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, du 10 au 12 décembre 2025 au Lieu Unique à Nantes, du 8 au 10 janvier 2026 aux Halles de Schaerbeek à Bruxelles, les 15 et 16 janvier 2026 à la scène nationale Chambéry Savoie, du 4 au 6 février 2026 au CDN de Tours - Théâtre Olympia, du 17 au 27 mars 2026 au Théâtre national de Strasbourg, et du 10 au 12 juin 2026 à la Maison de la danse de Lyon.

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