« Honda Romance », création de Vimala Pons avec Tsirihaka Harrivel

Quel est le point de départ de ce travail autour des émotions ?

Vimala Pons : J’avais envie de m’intéresser au déséquilibre émotionnel. J’ai passé beaucoup de temps à m’intéresser au déséquilibre pur, lié à la gravité, et cela m’intéressait de me confronter à l’un des enjeux les plus durs de la vie psychologique : comment gérer le flux inarrêtable des pensées qui génèrent une multitude d’émotions.

C’est un spectacle fragmentaire : pouvez-vous éclairer votre processus d’écriture ?

V.P. : Le spectacle se compose de tableaux. Le principe de cette écriture, c’est que ce sont des moments très courts à travers lesquels je passe physiquement par divers états de jeu. J’essaie d’atteindre sur scène une transe auto-induite. J’ai aussi été inspirée par la forme des haïkus, qui transmettent une émotion sans la citer. Une première partie explore l’idée de se relever, une deuxième celle de traverser des tempêtes émotionnelles, et une troisième – mise en musique par Rebecca Warrior – porte sur la marche. Une marche obstinée, dans le sens de l’obstination antique des héros mythologiques, qui résistent à la soumission, quelle que soit sa forme.

« J’essaie d’atteindre sur scène une transe auto-induite. »

Avec un intérêt pour la technologie ?

V.P. : À l’heure actuelle, l’émotion commence à être prise en charge via un attachement aux machines, à l’IA. Honda Romance, c’est le nom d’un satellite sous lequel je suis écrasée au début du spectacle. Le rapport entre chair et technologie y constitue une idée fondatrice. Le point de départ de ce geste, c’est l’expérience de la dépression, d’où cette idée d’être écrasée, puis de se relever. J’essaie de comprendre comment les émotions naissent en nous, comment elles sont manipulées, comment a lieu cette lutte permanente. Cela m’a donné envie de travailler avec trois canons qui génèrent des explosions de vent, symbolisant à la fois la beauté et la violence de cette lutte.

Quelle est la place de la musique dans Honda Romance ?

V.P. : Le narrateur de cette histoire, c’est la musique, composée par Tsirihaka Harrivel et Rebeka Warrior. Il y a une dimension opératique dans ce spectacle. Les compositions sont de nature différente, j’ai dû veiller à ce qu’elles soient dans les mêmes tonalités, afin qu’elles fassent avancer le récit l’une successivement à l’autre.

Propos recueillis par Mathieu Dochtermann