Histoire de la violence d’après Edouard Louis, adaptation et mise en scène Laurent Hatat et Emma Gustafsson
La Manufacture / D’après Edouard Louis / adaptation et mise en scène Laurent Hatat et Emma Gustafsson
Publié le 25 juin 2021 - N° 290Laurent Hatat et Emma Gustafsson adaptent et traversent l’autofiction polyphonique d’Edouard Louis en conjuguant moments incarnés et réflexifs. Avec Mathias Zakhar (Edouard), Samir M’Kirech (Reda) et Julie Moulier (Clara).
Après un très réussi Retour à Reims, où la puissance de l’incarnation révélait les mécanismes de domination à l’œuvre dans l’ordre social et la nécessité de leur critique, Laurent Hatat poursuit dans une veine similaire en adaptant Histoire de la violence. S’il a attendu aussi longtemps avant d’adapter ce texte, c’est qu’il ne savait pas quel langage scénique adopter pour rendre compte de cette auto-analyse polyphonique, centrée sur l’agression qu’a subie Edouard Louis et ses implications. L’introspection exacerbée que livre l’auteur retrace le déroulé des faits lors de cette nuit du 24 décembre 2012, lorsqu’Edouard a fait monter un inconnu chez lui. Une histoire qui commence bien, puis se termine par un viol sous la menace d’une arme et une tentative d’homicide. Outre le crime même, l’écriture analyse aussi la violence inhérente aux démarches médicales, policières et judiciaires qui s’ensuivent, obligeant à répéter l’horreur des faits face à divers interlocuteurs. La pièce commence par une mise en abyme, lorsque Edouard derrière une porte écoute sa sœur raconter à son mari le récit qu’il lui a livré la veille, dans sa langue à elle.
Un théâtre charnel
Cet éclatement fragmenté de la narration met en perspective les divergences et les échos entre le passé et les traces qu’il laisse, entre les faits et leur réappropriation par la mémoire et par le langage. La mise en scène accorde une place importante à la voix de Clara, remarquablement interprétée par Julie Moulier, qui parfois replonge dans l’enfance. Laurent Hatat et Emma Gustafsson – qui est à la fois danseuse et comédienne – proposent un langage où se mêlent les mots et le mouvement des corps. Les gestes chorégraphiés expriment notamment l’ambivalence et la brutalité qui caractérisent la relation entre Edouard et Reda. Le pari est difficile, mais ils s’attachent à éviter l’écueil d’une esthétisation, à laisser sourdre sans rien édulcorer ce qui est intérieur – la peur, la violence des sentiments, les désirs contradictoires… L’un des moments les plus touchants, c’est l’aveu final d’Edouard, qui en faisant référence à Hannah Arendt explique le recours au mensonge pour mettre à distance le traumatisme. « Ma guérison est venue de cette possibilité de nier la réalité. » confie-t-il.
Agnès Santi
A propos de l'événement
Histoire de la violencedu lundi 5 juillet 2021 au dimanche 25 juillet 2021
Avignon Off. La Manufacture - La Patinoire
2, rue des Ecoles (navette prévue).
à 21h20 ; relâche les 11 et 18 juillet. Tél. : 04 90 85 12 71.