Le Maniement des larmes
Nicolas Lambert présente le dernier volet de [...]
Le retour du Groupe Acrobatique de Tanger se fait sous le signe du cercle et de la piste. Que ce soit dans leurs rondes ou dans leurs roues, les quatorze acrobates explorent le motif circulaire, les pieds solidement ancrés dans la tradition.
On les avait quittés au sortir d’Azimut, leur dernière création sous la direction d’Aurélien Bory. Aux prises avec un dispositif scénique et lumineux d’une grande puissance, leurs corps étaient au service d’images et de sensations fortes dont la lecture et la portée dépassaient le simple enjeu du spectaculaire et de l’acrobatie. On les retrouve aujourd’hui au centre de la piste, exposés aux regards dans la simplicité du cirque, rejouant leur présence comme à leurs débuts sur la plage, qu’ils évoquent par le sable qu’ils sèment et foulent. Halka est une pièce qui fuit les artifices, et s’annonce davantage comme un retour aux sources. Dès lors, on ne manquera pas d’admirer les roues et saltos qui ont fait jusque-là leur renommée. Une marque de fabrique qu’ils doivent à leur extrême vélocité, à cette surprenante rapidité d’exécution qui emporte les corps dans une tension fugitive et maximale. A cela s’ajoute l’esprit collectif rejoué dans l’élévation, à travers les pyramides humaines ou les tours à multiples niveaux, de même que les portés, lorsqu’un seul homme parvient à supporter le poids de cinq autres acrobates.
A la recherche d’une pensée en mouvement
La dramaturgie du spectacle repose sur des saynètes légères, théâtralisées, convoquant l’esprit « place du village » dans la fête, le chant et la musique traditionnels. C’est le moment du partage et de la joie collective, les retrouvailles d’une communauté dans une même culture. On célèbre en musique l’être ensemble, mais on n’oublie pas de se chercher, de se toiser, et de se provoquer dans des bras de fer amicaux. Ce sont aussi des instants plus drôles, voire caricaturaux, où chacun s’essaye à une prise de pouvoir sur le groupe, la femme dans le rôle de la cheftaine… Le spectacle peut ainsi s’appréhender comme un moment de vie, profondément nourri de traditions. S’achevant sur la déclamation d’un poème, repris par un chœur et chanté d’une seule voix au plus proche du public, il émeut dans cette ultime adresse. Au milieu de tout cela, l’acrobatie cherche sa véritable place, peu prompte à dépasser l’anecdotique des situations de vie pour porter elle-même davantage son propos. Puiser aux sources de leur art est un mouvement essentiel, mais n’aura pas suffi à nourrir la perception du spectateur d’enjeux plus larges.
Nathalie Yokel
Parc de la Villette, espace chapiteau, 211 avenue Jean Jaurès, 75019 Paris. Jusqu’au 10 octobre 2016, du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h. Tél. : 01 40 03 75 75. Festival CIRCa, salle du Mouzon, 32000 Auch. Le 24 octobre 2016 à 14h30, le 25 à 20h30, et le 26 à 16h30. Tél. : 05 62 61 65 00.
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