La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Funny Birds

Funny Birds - Critique sortie Théâtre Bagnolet Le Samovar
Crédit : Leo Andres Légende : Funny Birds de la Cie La Rive Ultérieure.

En tournée / Funny Birds / conception et mes Lucie Valon

Publié le 27 mars 2017 - N° 253

Lucie Valon met le clown au service de la crise des subprimes, point de départ d’une lutte où tous les coups sont permis. Un équilibre encore fragile entre texte et pantomime empêche toutefois Funny Birds de répondre tout à fait à sa belle promesse d’humour et de cruauté.

Feuilleton historique chez Stefano Massini dans Chapitres de la chute : saga des Lehman Brothers, comédie burlesque du côté de Robin Renucci avec L’Avaleur, drame franco-taïwanais sous casque dans Europe Connexion de Matthieu Roy… Depuis quelque temps, le monde de la finance se décline au théâtre de manières très variées. Pourquoi pas à travers le clown ? Après un triptyque consacré à l’Enfer, au paradis et au purgatoire, la metteuse en scène Lucie Valon en fait le pari dans Funny Birds. Une pièce pour six drôles d’oiseaux costumés et cravatés qui se révèlent vite peu fréquentables. Loin du clown de cirque traditionnel auquel ils auraient peut-être ressemblé sans le cadavre qui tombe du ciel dès les premières minutes du spectacle. Et surtout, sans la pièce de deux euros qu’ils découvrent dans sa poche. Signes d’une crise jamais nommée, mais dans laquelle on reconnaît sans peine celle des subprimes, ces intrusions violentes du réel dans la vie des clowns sont le point de départ d’une bataille aussi absurde qu’acharnée. D’une cruauté qui tâche de rouge le teint pâle des traders novices, forcés de se trouver une voix entre le clown blanc qu’ils ne sont plus et l’Auguste qu’ils ne seront jamais.

La corruption du clown

Le cannibalisme était une piste prometteuse pour le déploiement de ces figures hybrides. Après une petite dévoration initiale du plus bel effet, Lucie Valon opte toutefois pour une violence davantage verbale et chorégraphique. L’hémoglobine aurait pu ne pas manquer ; lors de la création du spectacle à la Brêche à Cherbourg, la combinaison de mots et de gestes de Funny Birds peinait hélas à atteindre la force comique et cruelle de la première image. Au centre d’une arène aux allures d’open space, les six interprètes jouent l’oscillation entre fortune et dette dans une précipitation telle que l’espace manque au spectateur pour rire aussi bien que pour trembler. Dans leur course à la manigance financière, les clowns finissent aussi par perdre une bonne partie de leur étrangeté. La pièce de deux euros a beau se transformer rapidement en valeur abstraite, elle précipite en effet les interprètes dans un réalisme qui a parfois tendance à effacer la naïveté sans laquelle un clown devient un monstre ou une caricature. Soit une créature qui, au lieu de troubler, se fait porteuse de message. En l’occurrence d’une critique de la finance toute puissante. Heureusement, le clown est une créature qui varie. Une pantomime mieux rythmée, un texte plus aéré et les protagonistes de Funny Birds pourraient devenir vraiment affreux, sales et méchants.

 

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Funny Birds
du jeudi 30 mars 2017 au vendredi 28 avril 2017
Le Samovar
165 Avenue Pasteur, 93170 Bagnolet, France

Le 30 mars à 20h30, le 1er avril à 15h et 20h30, le 2 avril à 18h. Tel : 01 43 63 80 79. www.lesamovar.net. Également les 5 et 6 avril au Prato à Lille et du 18 au 28 avril au Théâtre de la Cité Internationale à Paris. Durée : 1h30. Vu le 14 mars au Théâtre des Miroirs à Cherbourg dans le cadre du Festival Spring.

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