La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

François Bégaudeau

François Bégaudeau - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 janvier 2011 - N° 184

Une heure avant de partir…

Arnaud Meunier met en scène Le Problème, de François Bégaudeau. Une femme quitte mari et enfants pour s’offrir une seconde chance amoureuse : récit en temps réel d’un drame très ordinaire…

Quelle est la trame de ce Problème ?
François Bégaudeau : L’histoire se passe en temps réel, pendant environ une heure quinze. Une femme revient chez elle où l’attendent son mari, son fils et sa fille. Elle a laissé une lettre le matin, annonçant sa rupture et son départ. La pièce raconte la discussion qui suit cette décision. Je voulais une trame théâtrale canonique et un canevas bourgeois afin de travailler sur les torsions mineures. Ce qui m’intéresse, c’est de transformer l’espace familial en espace de délibération, l’enjeu étant de montrer que là où il y a un drame pour lui, pour elle, en revanche, ce n’est pas un problème : dans une situation à grand potentiel dramatique, cette femme joue la dédramatisation.
 
Pièce psychologique ? Politique ? Féministe ?
F. B. : Oui, c’est une pièce psychologique. Je suis toujours surpris de constater combien cette épithète est repoussoir… La psychologie, ce n’est pas un défaut, il suffit d’en faire de la bonne ! Cette femme pose un acte de liberté et son mari fait peser sur elle la culpabilité. Mais je ne cherche pas pour autant à faire passer de message : l’enjeu, pour elle, n’est pas d’arrêter de faire la cuisine mais d’être loyale envers ses sentiments. Elle invoque le bon sens à l’appui de sa décision. Mais cela ne va pas de soi pour les hommes de la famille, le mari et le fils. Dans l’esprit du mari, il est encore possible qu’elle reste. Dans son esprit à elle, elle est revenue pour expliquer plutôt que pour justifier sa décision aux yeux des hommes qui se posent en juges, et elle doit jouer d’une dialectique subtile pour éviter le procès. Féministe ? Oui, pourquoi pas ! Ce n’est pas un mot qui me fait peur… Je le revendique même, tout en refusant de plomber la pièce avec ce mot parfois très disqualifiant.
 
 « Transformer l’espace familial en espace de délibération. »
 
Comment la rencontre avec Arnaud Meunier s’est-elle faite ?
F. B. : Il a lu la pièce en 2008 et il m’a contacté. Il était le premier à vouloir la mettre en scène. J’ai trouvé ce type formidable ; j’ai découvert son travail et notre rencontre a confirmé qu’on avait plein de choses à se dire. Arnaud a compris quel était mon projet formel et c’est le dispositif de la pièce qui l’intéressait d’abord : travailler sur le quotidien et écrire une pièce en temps réel, dans l’unité de temps et de lieu, sans hors-champ, chaque personnage évoluant dans un espace visible. Cette sorte de théâtre à plat résonnait avec certains des aspects de son travail.
 
Arnaud Meunier compare votre écriture à celle de Michel Vinaver. Qu’en pensez-vous ?
F. B. : C’est accablant comme compliment et immodeste d’accepter la comparaison ! S’il y a quelque chose qui m’unit à Vinaver, c’est le goût commun pour une certaine forme de quotidienneté. Quelque chose d’assez naturaliste aussi : je voulais jouer sur un cadre et un milieu de gens ordinaires à qui il arrive quelque chose qui peut paraître exceptionnel mais qui au fond ne l’est pas du tout. De nos jours, le divorce est devenu la suite presque automatique du mariage : je voulais faire un drame de quelque chose qui est devenu le tout-venant et travailler sur l’ordinaire. Dans la pièce, il est question de choses très banales et j’ai fait exprès d’y injecter le prosaïque du quotidien. Mais je crois que la comparaison avec Vinaver s’arrête là !
 
Propos recueillis par Catherine Robert


Le Problème, de François Bégaudeau ; mise en scène d’Arnaud Meunier. Du 6 au 16 janvier 2011. Du mardi au samedi à 20h sauf le 13 à 19h ; le dimanche à 16h. Théâtre du Nord, 4, place du Général de Gaulle à Lille. Tél : 03 20 14 24 24. Du 19 au 22 janvier à 20h30. Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, place Georges-Pompidou, Montigny-le-Bretonneux. Tél : 01 30 96 99 00. Les 25 et 26 janvier aux Scènes du Jura. Du 2 au 10 février au Théâtre National de Nice. Les 15 et 16 février au Théâtre d’Angoulême. Du 23 février au 3 avril au Théâtre du Rond-Point à Paris. Du 7 avril au 15 mai au Théâtre Marigny à Paris. A signaler la sortie en janvier, chez Verticales, de La Blessure la vraie, de François Bégaudeau.

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