La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -247-LE LIBERTÉ, SCÈNE NATIONALE DE TOULON ~ SAISON 2016/2017

Une effervescence joyeuse et précieuse

Une effervescence joyeuse et précieuse - Critique sortie Théâtre Toulon Le Liberté – scène nationale
© Vincent Bérenger Charles Berling et Pascale Boeglin-Rodier, directeurs du Liberté.

Entretien Pascale Boeglin-Rodier et Charles Berling
Dans la solitude des champs de coton / de Bernard-Marie Koltès / mes Charles Berling

Publié le 26 septembre 2016 - N° 247

Pascale Boeglin-Rodier et Charles Berling font vivre et rayonner le Liberté de multiples façons. Et cette saison, Charles Berling met en scène et interprète avec Mata Gabin Dans la solitude des champs de coton

Comment définir le projet du théâtre ?

Charles Berling : Le théâtre s’appelle le Liberté : un lieu de vie et de partage, de liberté de parole et de pensée, d’ouverture et d’éclectisme. Nous voulons que le théâtre soit un endroit pour tous, où il est aisé de passer la porte pour voir ce qui s’y passe, même pour ceux dont la culture n’invite pas à aller au théâtre, afin de s’approprier le lieu et y revenir. Nous soutenons régulièrement la création : cet attachement à une exigence artistique a attiré beaucoup de monde à Toulon et a stimulé la curiosité du public. Une offre de qualité augmente la demande et bénéficie à tout un territoire et toute une population ! Nous sommes heureux d’avoir obtenu, en association avec le Centre National de Création et de Diffusion Culturelle de Châteauvallon, le label Scène nationale, qui récompense cinq ans de travail, et espérons ainsi pouvoir renforcer grâce à l’Etat nos moyens dédiés à la création. Et nous avons tissé des liens de fidélités avec plusieurs artistes.

« Un lieu de vie et de partage, de liberté de parole et de pensée, d’ouverture et d’éclectisme. » Charles Berling 

« Il se passe chaque jour quelque chose. » Pascale Boeglin-Rodier 

Pascale Boeglin-Rodier : Deux créations sont en cours : La solitude des champs de coton mise en scène par Charles cette saison, Logiquimperturbabledufou conçue et mise en scène par Zabou Breitman, qui sera programmée la saison suivante. Depuis cinq ans, la fréquentation du public a considérablement augmenté, et les Toulonnais aiment se retrouver au théâtre. Il se passe chaque jour quelque chose, y compris parfois hors les murs. Au-delà de la production et la programmation, nous avons mis en place des actions qui impliquent les gens, et permettent d’éliminer les obstacles financiers, physiques ou autres empêchant la venue au théâtre.

Quelles sont ces actions ?

P.B.-R.: Elles concernent le milieu scolaire, avec notamment un projet suivi intitulé D’une rive à l’autre, et le champ social dans son ensemble. Nous menons des actions qui introduisent une temporalité différente au sein de la saison et nourrissent des débats féconds. Ainsi, les Thémas explorent tous les deux mois quatre thématiques différentes à travers des tables rondes, conférences, films, expositions et projets participatifs. Les artistes comme le public apprécient ces rendez-vous qui donnent du sens à la saison. Chaque année, en partenariat avec toutes les structures culturelles du territoire, nous organisons un focus Méditerranée centré sur une ville ou un pays. Après l’Egypte la saison dernière, nous mettrons en lumière le Liban en mai. En janvier, le festival Regards sur les arts numériques interroge les mutations technologiques. Et pour encourager la venue au théâtre, nous avons développé le covoiturage, la garde d’enfants, l’accessibilité aux personnes handicapées, qui comprend l’utilisation du langage des signes et de l’audiodescription, pour laquelle nous avons obtenu le label tourisme et handicap, le billet suspendu, qui consiste, avec déduction fiscale pour le donateur, à acheter deux billets pour en offrir un à quelqu’un dont les revenus sont faibles.

© Vincent Bérenger Charles Berling et Mata Gabin dans la création Dans la solitude des champs de coton.

© Vincent Bérenger
Charles Berling et Mata Gabin dans la création Dans la solitude des champs de coton.

C. B. : Le rapport au public a beaucoup évolué et la problématique du théâtre pour tous que posaient André Malraux ou Jean Vilar a intérêt aujourd’hui à prendre en compte les mutations technologiques pour se réinventer. Il est important de se renouveler pour être ancré dans la réalité. Ce n’est pas le moment de laisser tomber la culture dans ce pays ! Face aux fractures et aux violences qui meurtrissent notre société, nous devons agir et nous efforcer d’échafauder des réponses. Nous sommes arc-boutés sur cette ambition fondamentale. L’un de nos projets intitulé Dignités a été repéré par l’Etat et soutenu par la Dilcra (Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme et l’Antisémitisme). Cette reconnaissance nous encourage. Au fil de la saison, le programme intitulé La 4e Scène permet d’accéder autrement au théâtre en racontant à travers des films les coulisses de la création et le geste artistique. A son arrivée après un élu Front National, le maire Hubert Falco a misé sur la culture et nous soutient ; face à un centralisme excessif, les initiatives régionales plurielles reflètent la vérité du territoire.

Pourquoi avez-vous voulu monter Dans la solitude des champs de coton cette saison ?

 C. B. : Je suis très heureux de ce projet. Je garde un grand souvenir de Roberto Zucco dans la mise en scène de Jean-Louis Martinelli (ndlr, Charles Berling interprétait le rôle-titre, 1995). C’est Léonie Simaga qui m’a permis de me replonger dans cette écriture fantastique, à la fois très formelle et ancrée dans une réalité profonde. C’est un mélange détonant qui provoque une théâtralité particulière. Cette écriture brûlante, concrète, jamais réaliste, recèle une dimension spectaculaire qui fait appel à l’imagination ; elle est de celles qu’on aime défendre au Liberté : populaire, et artistiquement très ambitieuse. La pièce joue de frontières imprécises et du mystère de ce rapport commercial qui questionne la manière dont s’élabore une civilisation. L’écriture déploie une joute étrange entre un dealer et un client, un combat qui fabrique la dramaturgie de la pièce. Cette langue très belle ne renonce pas à la complexité des choses, et en même temps nous bouleverse car elle développe des choses qu’on ressent comme des évidences. Je mets en scène et j’interprète ce texte avec Mata Gabin, en voulant préserver tout le mystère de l’écriture. Alain Fromager est notre œil extérieur, Massimo Troncanetti a créé un décor monumental, Marco Giusti, qui travaille avec Romeo Castellucci, a créé les lumières, Sylvain Jacques le son, et Frank Micheletti la chorégraphie. C’est une pièce d’envergure !

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Dans la solitude des champs de coton
du mardi 8 novembre 2016 au vendredi 11 novembre 2016
Le Liberté – scène nationale
Place de la Liberté, 83000 Toulon, France

Création au Théâtre National de Strasbourg du 1er au 11 octobre 2016.

Tél : 04 98 00 56 76. www.theatre-liberte.fr

 

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