Un voyage inédit et exaltant, entretien avec Alexandre Dratwicki

« Le festival est par essence non thématique, mais nous essayons de le teinter chaque année en fonction des célébrations. Le bicentenaire de César Franck est l’occasion de mettre en avant un compositeur qui n’est pas considéré à sa juste valeur en France. Quand on étudie le catalogue de ses œuvres tardives et ambitieuses, sur lesquelles il a travaillé longtemps, on remarque immédiatement Hulda qui, à sa création posthume en 1894 à Monte-Carlo, a été présentée avec des coupures. Grâce au partenariat avec l’Orchestre royal Philharmonique de Liège, l’œuvre sera donnée pour la première fois en Belgique, le pays de naissance de Franck, et en France, sa patrie d’adoption. En regard de cet événement, un concert à Sainte-Clotilde est un clin d’œil à l’orgue dont le compositeur était titulaire, et soulignera son apport déterminant au répertoire de l’instrument. A la Philharmonie, la soirée dirigée par François-Xavier Roth à la tête des Siècles sera un moyen de revivifier la lecture de Franck grâce aux sonorités spécifiques des instruments historiques, et de colorer cette musique souvent interprétée avec une densité excessive. Enfin, salle Gaveau, avec le harpiste Emmanuel Ceysson, nous rappellerons les activités des sociétés symphoniques de l’époque de Franck.

Revivifier les programmations et attiser la curiosité

En complément de ce focus sur Franck, nous faisons voyager les spectateurs de styles en styles et d’époques en époques, car le romantisme est bien plus varié qu’on ne l’imagine. La Vestale répond à l’envie de Marina Rebeka d’aborder le rôle colossal de Julia. La reprise de Phryné de Saint-Saëns met en avant un répertoire léger qu’il est tout aussi important de défendre, et s’inscrit dans un partenariat noué avec l’Opéra Comique depuis 2008-2009. Le principe d’un festival autour d’un répertoire rare est par nature événementiel, mais le festival est avant tout un moyen de faire prendre conscience que la musique ne se réduit pas à ce qu’on entend quotidiennement. Le Palazzetto Bru Zane participe à un élan que nous espérons le plus collectif possible afin de revivifier les programmations, attiser et cultiver la curiosité des auditeurs, et prouver que ces chemins de traverses sont gratifiants pour les artistes. Notre mission est remplie si d’autres salles reprogramment ensuite spontanément ces découvertes, comme par exemple Dante de Godard à Saint-Etienne ou Herculanum de David à Budapest et Wexford. »

Propos recueillis par Gilles Charlassier