Focus -328-Le Festival essonnien Les Hivernales célèbre ses 20 ans
Un festival né pour et par le territoire, fondé et défendu par Gilles Cuche, directeur de la compagnie Atelier de l’Orage

Entretien Gilles Cuche
Publié le 15 décembre 2024 - N° 328À l’occasion de cette édition-anniversaire, le metteur en scène et directeur de la compagnie Atelier de l’Orage Gilles Cuche revient sur l’histoire et les valeurs du festival Les Hivernales, qu’il a fondé en 2005. Si tu ne vas pas au théâtre, le théâtre viendra à toi…
Quel est le territoire d’implantation du festival ?
Gilles Cuche : L’Essonne est coupée en deux par la Francilienne : au nord c’est très urbain (Massy, Evry…), et au sud c’est la campagne, avec de gros bourgs, puis des petits villages. Nous intervenons au sud de ce territoire, qualifié de rural, ou de rurbain par les sociologues. La plupart des gens qui y vivent travaillent dans les métropoles du sud de la région, ou à Paris.
Pourquoi y avoir développé ce projet ?
G.C. : Je m’inscris dans la filiation des pionniers de la décentralisation théâtrale, en panne depuis bien longtemps. SI nous avons équipé le territoire, la démocratisation culturelle est en revanche restée sur le quai. Et quand ces équipements de la décentralisation font de la démocratisation culturelle, ils la font de manière verticale. Le monde culturel a un rapport colonialiste au territoire, apportant la culture comme autrefois les occidentaux apportaient la civilisation au bon sauvage. À l’inverse, Les Hivernales sont nées pour et par le territoire. Nous étions au départ une compagnie implantée dans le sud rural de l’Essonne depuis le début des années 1990, où nous avons créé un réseau de diffusion. J’avais organisé une tournée mutualisée très festive d’une de nos créations dans des villages. Les communes ont trouvé cela formidable au point de vouloir le refaire tous les ans. Je leur ai proposé de continuer sur le même principe mais en invitant une compagnie différente à chaque fois. Les Hivernales sont ainsi nées d’une co-construction avec le territoire.
« Je m’inscris dans la filiation des pionniers de la décentralisation théâtrale. »
Quelle est votre méthode ?
G.C. : Les municipalités sont toujours associées au choix, en amont, pour une programmation familiale et grand public, loin d’une course à la nouveauté. Tout le monde doit s’y retrouver, dans l’exigence et dans la démocratisation. La méthode s’appuie aussi sur un gros travail de médiation dans les écoles, qui fait que ce sont les enfants qui emmènent les parents au spectacle et non l’inverse.
Comment voyez-vous l’avenir, au-delà de la question budgétaire ?
G.C. : Aujourd’hui, à 55 ans, je me pose la question de la transmission. Est-ce qu’un tel projet peut se pérenniser, est-ce qu’il peut me survivre sans trop s’institutionnaliser ? Je suis porteur d’un idéal, j’ai toujours voulu aller à la rencontre des gens, en étant convaincu que la représentation est le lieu privilégié pour faire communauté ensemble.
Pour tenir ces valeurs, doit-on rester en-dehors de l’institution ?
G.C. : Je pense que le tiers-secteur a une capacité de micro-maillage que n’a pas l’institution. Mais nous sommes complémentaires, l’institution a son rôle à jouer, et le tiers-secteur aussi, encore faudrait-il nous donner plus de moyens. L’écoute du territoire est notre spécificité, dans un rapport au temps et à l’espace différent. Le développement culturel, ce sont des gens avec lesquels il faut passer du temps. Si ce projet me tient à cœur, si j’en parle aujourd’hui, c’est pour sa qualité artistique, et c’est pour les gens de ce territoire.
Entretien réalisé par Nathalie Yokel
A propos de l'événement
Les Hivernales, dans une quinzaine de communes partenairesdu mardi 7 janvier 2025 au dimanche 9 mars 2025
La programmation des 20 ans
En ouverture, les BP Zoom avec Mélange 2 Temps, puis Rocco Le Flem et son trio Complice(s), tandis que la compagnie Majordome jonglera A Tiroirs ouverts. En clôture, sous chapiteau à Villabé, l’inoubliable Pour le Meilleur et pour le pire du Cirque Aïtal, en partenariat avec la Scène nationale de l’Essonne.