Koburo de Christian Denisart
Christian Denisart part en musique et en [...]
Focus -279-TKM ~Théâtre Kléber Méleau
A la tête du TKM – Théâtre Kléber-Méleau – depuis 2015, Omar Porras propose une saison voyageuse et plurielle. Et en mars, une création célèbre les 30 ans de sa compagnie, le Teatro Malandro.
Comment avez-vous construit votre programmation ?
Omar Porras : Construire une programmation, c’est comme écrire une histoire qui s’invente dans l’instant puis qui laisse voir des liens qu’on n’avait pas imaginés. La saison propose un condensé d’utopies théâtrales, comme un conte initiatique pluriel et foisonnant, destiné à des enfants rêveurs de tous âges. Un conte qui puise à de multiples sources, qui explore une grande diversité de territoires esthétiques. Les spectacles transgressent les règles du réel et de la raison, car ils s’emparent des mystères et de l’étrangeté de l’existence. Le conte permet de revenir à l’enfance, de dire les causes autant que les conséquences. Il agit comme un révélateur qui guérit, qui instruit, car cette nécessité de raconter amène à mieux comprendre la nature de l’être humain. En transposant toutes sortes d’histoires sur le plateau, l’imaginaire du théâtre déploie son inventivité, mais je ne recherche pas pour autant l’originalité. Je cherche plutôt à faire naître des dialogues profonds, féconds et pas banals avec la scène, avec des artistes de talent, et avec le public. Chaque spectacle est une porte qui s’ouvre…
Qui sont les artistes à l’affiche ?
O.P. : A l’instar de la saison, le spectacle inaugural invite à un voyage étonnant. Le Turak théâtre de Michel Laubu et Emili Hufnagel nous embarque en Turakie, où la mémoire « en panne des sens » de Monsieur Tokbar stimule son imagination. Après Vingt mille lieues sous les mers, formidable succès, Christian Hecq et Valérie Lesort créent La Mouche d’après la nouvelle de George Langelaan et le film de David Cronenberg, entre polar bricolé et science-fiction débridée. Autre délirant périple, celui que propose Christian Denisart, un artiste suisse que j’ai récemment découvert. Il met en scène Koburo, un étonnant voyage anthropologique, théâtral et musical, quelque part au Japon, à la rencontre des Koburo, un groupe composé exclusivement de femmes. Cédric Dorier crée quant à lui Le Roi se meurt de Ionesco, fabuleuse chronique d’une mort annoncée d’un roi usé par le pouvoir, qu’il transforme en hymne au théâtre. Après avoir déjà entremêlé littérature et musique avec Courir d’après jean Echenoz, Thierry Romanens adapte Aline de Ramuz autour d’une passion destructrice.
Comme les saisons passées, vous développez un axe musical fort au fil de la saison…
O.P. : Nous sommes heureux que l’énergie de la musique irrigue à nouveau la saison et poursuivons notamment notre compagnonnage avec Cédric Pescia. Nous reprenons et complétons Le Verbe de Bach la Musique de la Bible, une petite forme créée l’an dernier au Musée international de la Réforme, au cours de laquelle je lis des textes de la Bible tandis que Cédric interprète des pages de Bach. Bach à nouveau, à travers une commande faite à trois pianistes de jazz qui révèlent dans leurs partitions l’inspiration du maître. Sans oublier dans un autre registre un bal littéraire latino au son de la musique cubaine, ou encore Album de famille, théâtre en chansons intimistes mis en scène par Isabelle Turschwell et Lauri Lupi.
Comment célébrez-vous les trente ans de votre compagnie, le Teatro Malandro ?
O.P. : J’ai longuement hésité et beaucoup lu jusqu’à ce que je découvre Le Pentamerone soit Le Conte des contes d’un auteur napolitain du XVIIe siècle, Giambattista Basile. J’ai été impressionné par la virtuosité littéraire et la richesse historique de ce recueil, qui explore et rassemble divers registres et traditions. La pièce raconte l’histoire d’un roi qui a une fille qui ne rit jamais, et qui fait venir des conteuses pour la guérir. Le spectacle éclaire deux thèmes qui m’intéressent particulièrement : la famille et le récit, matière malléable qui se transforme selon ses narrateurs. Avec sept comédiens qui sont aussi musiciens et chanteurs, j’ai choisi de créer une forme musicale. Alors que la culture française tend à édulcorer la cruauté des contes, ce n’est pas le cas de Basile. Je m’aventure donc jusqu’au Grand-Guignol, jusqu’à un théâtre laboratoire qui se nourrit de plusieurs univers. Pour que la fête soit horrifique et merveilleuse à la fois !
Propos recueillis par Agnès Santi
Création du Teatro Malandro
Tél : +41 21 625 84 29.
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