Renaud Porte dévoile le processus de création d’Andrias Scheuchzeri

Comment s’est construit le réseau Dédale ?

Renaud Porte : Dédale fut cofondé avec Siam Angie Guyot dans l’esprit des mouvements d’éducation populaire, afin de faire converger le lien social et la pratique artistique. Dédale s’engage afin d’apporter une contribution positive à un territoire multiculturel souvent réduit à ses problèmes de précarité. Même si tout le monde n’est pas artiste, chacun est concerné par l’art. L’objectif est de créer des communautés esthétiques où collaborent des personnes qui dans la vie ordinaire ne se parlent pas, voire sont hostiles entre elles. L’ATELIER, local de l’association, propose un accueil inconditionnel avec une contribution qui n’est pas basée sur l’argent. C’est un espace qui valorise le dissensus – selon un concept de Jacques Rancière. Les conflits ne sont pas niés, mais par la construction d’un échange, lié à des dimensions sensibles, on apprend à les surmonter. Partie du champ plastique et visuel, l’association s’est ouverte à la création d’un opéra participatif.

« Dédale fait converger le lien social et la pratique artistique. »

Pourquoi avoir choisi la forme d’un opéra participatif ?

R.P. : Dans l’évolution de ma propre pratique artistique en tant que sculpteur, j’ai ressenti le besoin de narration et de la scène. La lecture du roman de Čapek, La Guerre des salamandres, m’a donné le sujet me permettant de concrétiser mon intérêt de longue date pour l’art transdisciplinaire qu’est l’opéra, afin d’en faire un objet pour une communauté esthétique, selon un processus de création collective un peu à l’image du fonctionnement de L’ATELIER.

Quelles ont été les étapes du processus de création ?

R.P. : Nous avons commencé avec la création d’un instrument, le drapeauphone, un hybride entre flûte et corne de brume fait avec des éléments de plomberie, réunissant 13 bénévoles dans le partage d’un protocole pictural. Après deux premières étapes, en 2021 avec 20 bénévoles et en 2022 avec 50, il nous a semblé nécessaire de présenter un essai scénique plus large. Le 16 septembre prochain, nous jouerons les scènes 1 à 7, avec un effectif de 150 bénévoles, et testerons l’idée d’une déambulation scénique en extérieur. Un parcours qui, à terme en 2025, doit atteindre un kilomètre sur cinq plateaux, pour deux soirées consécutives de plus de 4 heures de spectacle, ainsi qu’une date à Prague. Le dispositif permet de dépasser le face à face scène-public, dans une véritable immersion au cœur d’une œuvre où création et réception sont liées.

propos recueillis par Gilles Charlassier