Focus -263-Les Safra’numériques
Pour un art de quartier et d’ailleurs
Entretien / Ikbal Ben Khalfallah
Publié le 25 janvier 2018 - N° 262Pour Ikbal Ben Khalfallah, ancien footballeur professionnel reconverti dans la direction de projets culturels, l’art doit non seulement s’inscrire sur un territoire, mais dialoguer avec l’ailleurs. À l’image de l’ensemble de sa programmation, les Safra’numériques mettent ainsi en valeur talents locaux et internationaux à travers une quarantaine de propositions éclectiques.
Les Safra’numériques est le premier des trois temps forts que vous avez mis en place au Safran. Pourquoi avoir d’emblée pensé aux arts numériques et aux nouvelles technologies ?
Ikbal Ben Khalfallah : À la tête de la Salle du Splendid et du service spectacle vivant de Saint-Quentin-en-Yvelines, puis du théâtre municipal de Charleville-Mézières, j’ai acquis la conviction que pour être pertinent, un projet doit être conçu en complémentarité avec l’existant. Or, avec l’École Supérieure d’Art et de Design (ESAD), un des meilleurs IUT de génie mécanique de France, le fab-lab de l’association La Machinerie et la proximité de l’excellente école Le Fresnoy située à Tourcoing, Amiens a beau être un territoire ressource en matière d’arts numériques et de nouvelles technologies, il n’existait avant mon arrivée aucun événement dédié à ces disciplines. Je n’ai donc pas hésité. D’autant que les structures citées plus tôt et les autres lieux de création de la ville ont tout de suite manifesté leur soutien, de même que la métropole.
Comme « Safran’chir » – du 23 janvier au 23 février 2018 – et « Second Souffle » au mois de mai, ce projet vise donc à renforcer l’inscription du Safran dans son territoire.
I.B.K : En effet. Pendant vingt ans, le Safran a été complètement coupé du territoire où il est installé : le quartier Nord d’Amiens, désigné comme prioritaire par la politique de la ville et en pleine mutation. Multiculturel – on parle d’une centaine de nationalités – et très jeune. Parcours composé d’une quarantaine de propositions artistiques pour la plupart gratuites, avec des installations dès le hall d’entrée, les Safra’numériques invitent à découvrir les 4500 m2 du Safran d’une manière libre et originale. Et plusieurs œuvres sont présentées dans des lieux partenaires, ce qui incite à briser les frontières qui séparent le quartier Nord du reste de la ville.
« Permettre une meilleure compréhension des nouvelles technologies est un enjeu démocratique majeur. »
Dans cette optique de dialogue, privilégiez-vous les artistes qui proposent une réflexion sur la société ?
I.B.K : Je crois que, quelle que soit la manière ils le font, les artistes qui s’emparent des nouvelles technologies disent quelque chose de notre rapport au monde. Ce qui m’importe surtout, lors des Safra’numériques comme pendant le reste de la saison, c’est de montrer la plus grande diversité possible de démarches novatrices d’ici et d’ailleurs – près de la moitié des artistes programmés viennent de l’étranger –, à la fois exigeantes et accessibles à tous. En accueillant des œuvres ludiques, d’autres plutôt immersives ou encore contemplatives, je veux toucher un maximum de personnes, tous âges confondus. Car permettre une meilleure compréhension des nouvelles technologies est un enjeu démocratique majeur.
Les arts numériques étant une discipline récente, vous accueillez de nombreux artistes émergents. Continuez-vous à les accompagner après leur venue au Safran ?
I.B.K : Avec Didier Ringalle, en charge avec moi de la programmation des Safra’numériques, nous essayons en effet d’accompagner les artistes qui le désirent. N’entrant pour la plupart dans aucune des cases institutionnelles, même les plus connus peinent souvent à présenter leur travail sur le territoire français. Il y a un long chemin à parcourir pour que les choses changent, mais nous sommes confiants. L’avenir des arts numériques est des plus prometteurs.
Anaïs Heluin
A propos de l'événement
Les Safra’numériquesdu mardi 20 mars 2018 au samedi 24 mars 2018
Le Safran - scène conventionnée.
3 rue Georges Guynemer, 80080 Amiens.
Tel : 03 22 69 66 06.