Pour Jackie Surjus-Collet, le Théâtre de l’Archipel est à la fois repère culturel, laboratoire de création et boîte à rêves

À quels enjeux doit répondre la direction artistique d’un lieu pluridisciplinaire comme le Théâtre de l’Archipel ?

Jackie Surjus-Collet : La porosité entre les genres et les esthétiques est devenu, aujourd’hui, une évidence. Cette transdisciplinarité est un accélérateur de curiosité. Elle permet de s’adresser à des publics multiples. Elle invite également à la découverte de l’autre : l’art est l’un des meilleurs remèdes au repli communautaire et au rejet de la différence. Parce qu’une scène nationale comme le Théâtre de l’Archipel est un service public de la culture, la sociologie de nos publics doit aussi refléter celle de la société, pour ne pas être le seul privilège des populations les plus favorisées. Je conçois le Théâtre de l’Archipel comme un repère culturel, un laboratoire de création artistique, une agora et une boîte à rêves. Et pour arriver à en faire un élément fédérateur de la mixité sociale et culturelle, notre programmation doit aller à la rencontre des spectateurs et parler du monde dans lequel ils vivent. Notre mission de démocratisation de l’art passe par la proposition de moments où un concentré d’humanité partage des émotions et des questions pour réinterpréter le monde dans lequel il vit. Cette mission s’inscrit dans un territoire et une histoire.

« Les temps forts renforcent le sentiment d’appartenance à une communauté culturelle. »

Comment la situation géographique et culturelle de Perpignan se traduit-elle dans votre programmation ?

J.S.-C. : Nous sommes sur un territoire méditerranéen et transfrontalier, au sud, en marge des grandes métropoles françaises. Le réseau des sept scènes nationales d’Occitanie constitue une force pour organiser des tournées cohérentes dans toute la région. La programmation ne s’arrête pas aux murs du Théâtre de l’Archipel. Cette décentralisation, qui permet de faire circuler les œuvres et les spectacles plus longtemps et autrement, s’exprime dans notre travail d’action culturelle, mais aussi en jouant dans d’autres salles de la ville, comme à la Casa Musicale ou au Théâtre des Possibles, et même au-delà, dans l’ensemble du territoire. L’importante tradition musicale de notre théâtre, qui est d’ailleurs l’une des rares scènes nationales membre de l’association France Festivals, constitue l’un des appuis pour amener notre public à d’autres genres, en nourrissant par exemple son appétit pour la danse, jusqu’alors quasi absente des programmations à Perpignan. Et nous soutenons les artistes de la région, avec des résidences grâce auxquelles nous écrivons ensemble une histoire commune, ce qui donne une âme aux projets, ainsi qu’un accompagnement dans la diffusion.

Quelles sont les grandes dynamiques de votre prochaine saison ?

J.S.-C. : Pour donner du sens à une aventure, il faut du temps pour la développer, pas seulement d’une saison à l’autre, mais également au cœur de la saison. S’il y a au moins un rendez-vous musical par mois, j’ai aussi voulu rythmer la saison par des temps forts qui, par une concentration de propositions, renforcent le sentiment d’appartenance à une communauté culturelle : une Semaine de la marionnette en mars, On danse à l’Archipel en avril, L’Archipel fait son cirque en mai, et l’incontournable Aujourd’hui musiques en novembre, avec, cette année, un accent sur des formes propices à l’itinérance.

Propos recueillis par Gilles Charlassier