La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -261-Les Anges au Plafond

Papier et cetera

Papier et cetera - Critique sortie Théâtre Malakoff Les Anges au Plafond
Camille Trouvé © Vincent Muteau

Entretien / Camille Trouvé

Publié le 23 décembre 2017 - N° 261

Avec Brice Berthoud et l’équipe des Anges au Plafond, la comédienne-marionnettiste Camille Trouvé met le papier au cœur de ses récits d’itinéraires singuliers, au croisement de l’intime et du politique.

Mettre la marionnette au service de mythes anciens et contemporains a-t-il été pour les Anges au Plafond une manière de militer pour la reconnaissance d’une discipline victime jusqu’à une période récente d’une certaine marginalité ?

Camille Trouvé : Ce que nous voulions avant tout en créant la compagnie, c’était quitter le castelet. Construire une scène à l’échelle d’un plateau entier, et appréhender celui-ci comme une installation plastique qui se dévoile au cours de chaque spectacle, et qui puisse être transformé d’une création à l’autre. Brice et moi partageons aussi un désir de décrypter les mécanismes qui viennent limiter la liberté d’expression. Cela en mettant en scène des personnages qui font de cette liberté leur combat, comme Antigone, Camille Claudel ou encore Romain Gary.

Depuis Le Cri quotidien, le premier spectacle de la compagnie, le papier semble être votre matériau fétiche. En quoi sa fragilité se prête-t-elle selon vous aux conflits que vous portez sur scène ?

C.T : Si le papier était en effet au centre du Cri quotidien, c’est à partir de Une Antigone de papier (2007) que nous avons commencé à le mettre au service du mythe. Dans cette pièce, je voulais que mon personnage soit une métaphore de la fragilité de la jeune héroïne qui, à l’âge de 17 ans, choisit de mourir plutôt que d’accepter l’injustice de son oncle. Tout comme mes marionnettes de papier sont dans Les Mains de Camille (2012) une manière de dire la tragédie de Camille Claudel. Et, plus largement, celle de la femme artiste au XIXème siècle. Dans R.A.G.E (2015) et White Dog (2017) enfin, consacrés à Romain Gary, ce matériau est avant tout support d’écriture. À la fois pauvre et très riche en possibilités plastiques, le papier fait pour moi écho aux contradictions de l’humanité.

« À la fois pauvre et très riche en possibilités plastiques, le papier fait pour moi écho aux contradictions de l’humanité. »

Chacun de vos spectacles fait aussi appel à plusieurs disciplines artistiques. Comment les faites-vous se rencontrer ?

C.T : La pluridisciplinarité fait en effet partie des gènes de la compagnie. En plus des arts plastiques, du théâtre et de la marionnette, la musique, toujours jouée en direct, est une des composantes majeures de nos créations. Intégrés à la création dès la phase de travail autour de la table, pour l’adaptation du roman ou du mythe, les musiciens suivent l’ensemble du processus de création. De même que la plupart des artistes impliqués dans un spectacle. Plusieurs rencontres avec des musiciens ont été très marquantes pour la compagnie : celle du joueur de guimbarde Wang Li dans Le Fil d’Œdipe par exemple, ou du batteur de jazz Arnaud Biscay dans White Dog.

L’originalité des Anges au Plafond tient aussi à sa réflexion sur la place du spectateur.

C.T : Nous cherchons toujours à donner au spectateur un rôle dramaturgique. À lui faire rejoindre l’histoire grâce à un dispositif scénographique particulier. Jusqu’à Du rêve que fut ma vie (2014), notre seconde création consacrée à Camille Claudel, nous le placions dans une sorte de cocon qui créait une grande intimité entre lui et les artistes. Avec R.A.G.E et White Dog, les choses ont changé : pour dire la complexité de Romain Gary, nous avons voulu diffracter l’espace. Et donc sortir du cocon. C’était aussi une manière de nous mettre en danger, et d’éviter tout systématisme dans notre pratique.

Propos recueillis par Anaïs Héluin

A propos de l'événement

Les Anges au Plafond
65 Avenue Pierre Larousse, 92240 Malakoff, France

Tél : 01 47 35 08 65.

www.lesangesauplafond.net

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre