Nicole Ferroni poursuit sa traversée de Marseille à la rame et à la rime

Comment ce projet est-il né ?

Nicole Ferroni : Le Théâtre du Gymnase m’a contactée dans le cadre de leur dispositif ALLER VERS. Il s’agissait de faire venir des artistes dans des lieux non culturels. Murielle Mayette avait fait la tournée des bars avant moi, Ariane Ascaride celle des églises, pour lire des textes. Le Gymnase m’a passé une commande hybride, de lecture et d’écriture. Le cahier des charges stipulait de partager des textes ancrés sur Marseille et il fallait que ça soit en vers, alors que je ne suis pas vraiment connue pour faire de la poésie, même si j’ai participé à des soirées slam. Je me suis alors lancée dans un auto-grand-chantier ! Comme j’ai une culture générale très mauvaise, quand on m’a dit « auteurs marseillais », à part Edmond Rostand, à cause de la rue qui porte son nom, et Pagnol et Giono, pour la caricature provençale, j’étais franchement démunie. Mon premier travail a donc été de lire et je me suis aussi laissée aller à l’écriture. L’identité de Marseille, c’est quoi ? J’ai posé plusieurs clichés : la Bonne Mère, la criée aux poissons, le Vieux-Port, les personnes, comme Zidane, et les personnages, comme la cagole et le kéké. Il fallait aussi parler du foot et des règlements de comptes. La tournée des bars se jouait plusieurs fois par jour en plusieurs sessions. J’ai donc essayé de regrouper les textes selon des thématiques différentes : Marseillaises (hommages et figures), Meskine-Peuchère (sur les malheurs de Marseille), Marseille Re-belle, Amour avec un grand M et Clichés de Marseille, certains textes se retrouvant dans plusieurs sessions. Pour passer des bars à la scène, il a fallu décider quoi garder pour en faire une seule traversée de Marseille au cours du temps et du paysage et donner à picorer des éléments selon un prisme souvent drôle, mais pas toujours.

« Sur scène, je veux me laisser cette même possibilité de liberté qu’au comptoir. »

Pourquoi pas drôle ?

N.F. : Parce que l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne, parce que les règlements de comptes… Habituellement, je fais des chroniques plutôt rigolotes et on me connaît plutôt pour ma comédie. Mais je voulais laisser cette gravité. Je suis d’Aubagne mais j’ai un attachement particulier à Marseille. Cette ville a un côté sauvage, d’abord parce que la nature y est sauvage et que, d’où qu’on soit, on peut porter son regard vers un endroit qui n’est pas maîtrisé par l’homme. Ensuite parce que la ville elle-même est un peu sauvage. Elle a ce côté intempestif et impulsif, dans le bien comme dans le mal.

Comment allez-vous passer des bars à la scène ?

N.F. : Dans les bars, j’avais le trac à cause du risque d’imprévu. Mais dès que j’ai commencé, j’ai beaucoup aimé faire cette tournée et il est plus que probable que nous la reprenions au printemps prochain. Dans les bars, il fallait compter avec l’improvisation et j’ai aimé le fait d’être ainsi déstabilisée. Ça m’a donné envie de travailler ce côté-là, quitte à bifurquer de mes habitudes. Sur scène, je veux me laisser cette même possibilité de liberté qu’au comptoir.

Propos recueillis par Catherine Robert