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Focus -320-Monty Alexander signe un album en trio : peaceful vibes around D-Day

Monty Alexander signe un album en trio : peaceful vibes around « D-Day »

Monty Alexander signe un album en trio : peaceful vibes around « D-Day » - Critique sortie
l’élégant pianiste Monty Alexander célèbre dans son nouveau disque le D-Day. © Jean-Baptiste Millot

Publié le 27 mars 2024 - N° 320

Admirateur de Nat King Cole et d’Oscar Peterson, ce pianiste jamaïcain s’est illustré aussi bien en qualité de leader que de sideman, dans les studios reggae de son île natale comme sur les scènes jazz du monde entier. À l’heure de célébrer ses 80 ans, il signe un album en trio, sa formule de prédilection. Enregistré au studio Sextan en octobre 2023, D-Day revient sur des standards composés lors de la Seconde Guerre mondiale que Monty Alexander relie à ses propres écrits en la matière.

Vous êtes né le même que le jour J, quel signe percevez-vous dans cette étonnante concordance des temps ?

Monty Alexander : Je ne suis qu’un pianiste, né près d’un rivage très éloigné des plages de Normandie, mais je vis avec la conscience de ce jour mouvementé et bouleversant depuis 79 ans et 9 mois. La Jamaïque, comme vous le savez sûrement, était sous domination britannique, et en grandissant à Kingston, la culture dans laquelle j’ai vécue était très assimilée à la culture britannique. D’où mon nom en l’honneur du général Montgomery. Il y avait des soldats jamaïcains qui combattaient avec l’armée britannique lors de la Seconde Guerre mondiale. Même si je ne suis pas sûr que ce soit un signe bien réel, cette coïncidence avec ma date de naissance, le 6 juin 1944, m’a permis de garder bien en tête l’importance de ce jour de libération, de ne jamais oublier la gravité des horreurs de la guerre. S’il y a un signe dans cette concordance, du point de vue du musicien, c’est que mon anniversaire peut rappeler à ceux qui écoutent ma musique, et cet enregistrement en particulier, que nous devons prendre tout cela très au sérieux.

Vous choisissez la formule trio pour ce nouveau disque. Est-ce à dire que c’est encore et toujours votre format préféré après toutes ces années ?

M.A. : Le trio est mon moyen d’expression musicale privilégié depuis que j’ai commencé à travailler dans des clubs de jazz au début des années 1960, dont la plupart étaient dirigés par des gangsters, soit un autre type d’environnement de guerre !

« La musique est un formidable instrument pour bien nous entendre. »

Disque : D.Day (PeeWee!)

Vous reprenez notamment des classiques, dont Smile et I’ll Never Smile Again, deux titres opposés… Les deux faces d’une même médaille ?

M.A. : En effet, ce sont deux faces d’une même médaille : l’une est notre lutte pour maintenir la paix et l’espoir, Smile, et l’autre est celle qui cède au désespoir et à la guerre, I’ll Never Smile Again. La guerre contre l’humanité n’a jamais cessé. Je vois les choses dégénérer de manière dangereuse donc je ne suis pas très optimiste. Tout ce que je peux faire, c’est espérer le meilleur et continuer à faire une musique qui tente d’unir.

La solution est la confiance en l’autre, en l’altérité, des valeurs que vous incarnez parfaitement. En quoi le jazz est-il le symbole de ces valeurs d’échange et de partage ?

M.A. : Mon idée du jazz à son meilleur est qu’il s’agit de s’écouter, de se respecter, de se faire confiance au fur et à mesure du temps. Il s’agit de faire de cette combinaison d’éléments une forme de déclaration positive et pleine d’espoir. Le jazz a été un moyen de célébrer les bonnes vibrations : depuis Louis Armstrong – à qui j’ai serré la main en Jamaïque en 1956 –jusqu’aux décennies qui ont suivi. J’essaie de m’inscrire dans cet exemple.

« La musique est l’arme du futur », déclarait le Nigérian Fela Kuti. Croyez-vous encore à cette capacité à changer l’état du monde, quand on sait tous les artistes qui ont écrit quant à la guerre, l’écologie, la ségrégation, etc. ?

M.A. : Le mot « arme » n’est pas le mot que j’aurais choisi, car il est déjà chargé ! Je préfère utiliser celui de véhicule ou instrument. Mais au fond, oui, je crois que la musique instrumentale, en particulier, peut changer le monde. J’ai entendu un jour quelqu’un dire que le niveau de communication le plus élevé est le silence,  et que juste en-dessous se trouve la musique instrumentale, puis la musique vocale et pour finir la communication verbale. Alors oui, la musique est un formidable instrument pour bien nous entendre, surtout lorsqu’elle swingue, pour paraphraser le grand Duke Ellington. Pour reprendre les mots d’Harry Belafonte, un grand homme de paix comme moi d’origine jamaïcaine : la paix est nécessaire à la justice, à l’espoir, à notre avenir.

 

Propos recueillis par Jacques Denis 

 

A propos de l'événement

Monty Alexander
du samedi 30 mars 2024 au samedi 6 juillet 2024


En concert : les 30 et 31 mars à Pau (Le Foirail), le 7 avril au Cully Jazz Festival, le 8 avril à Lucerne, le 3 juillet au New Morning à Paris, le 6 juillet au Charlie Jazz festival (Vitrolles).

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