Focus -287-Les Gémeaux à Sceaux
Jeunesse sans Dieu, d’Ödön von Horváth, mise en scène de Thomas Ostermeier
Théâtre / d’Ödön von Horváth / mes Thomas Ostermeier
Publié le 22 septembre 2020 - N° 287Pour la première fois en France, Thomas Ostermeier présente aux Gémeaux sa mise en scène du texte magistral de Ödön von Horváth, créée à la Schaubuhne en septembre dernier. Il y explore notamment les questions de responsabilité individuelle et de courage moral dans un contexte de montée du fascisme.
Au fur et à mesure de ses créations, le projet artistique de Thomas Ostermeier, considéré comme l’un des metteurs en scène actuels les plus marquants, se dessine nettement. En choisissant de monter une adaptation de Jeunesse sans Dieu, le roman grinçant d’Ödön von Horváth (1937), le directeur de la Schaubühne de Berlin clôt une tétralogie commencée avec Professeur Bernhardi d’Arthur Schnitzler, La Nuit italienne du même Horváth et Retour à Reims de Didier Eribon : des œuvres où il s’attache notamment, à travers la problématique générale de la place de l’homme dans la société, aux questions plus particulières de la résurgence de l’extrême-droite et du rôle de la gauche. Dans Jeunesse sans Dieu, Ödön von Horváth raconte la vie quotidienne d’un lycée de province dans une époque totalitaire qui, même si elle n’est pas citée nommément – pour rendre plus puissante la parabole –, évoque la montée du nazisme. L’auteur se focalise sur un professeur humaniste, contraint d’enseigner une idéologie discriminatoire qui lui répugne mais qu’il ne critique pas par peur des représailles. Quand il ose s’insurger contre les insultes racistes émises par un élève dans sa copie (« tous les nègres sont fourbes, lâches et fainéants »), il se retrouve en butte aux corps étudiants et aux parents d’élèves.
Conflit intérieur
Si les parallèles avec notre époque sont évidents (la montée des périls populistes, une jeunesse désillusionnée sur son avenir, la remise en cause de l’idéal européen…), Thomas Ostermeier affirme qu’il s’intéresse moins à l’effet miroir du texte sur notre société actuelle qu’à la façon dont il raconte « comment un individu trouve la force de dire la vérité et comment ce modèle de rôle positif peut éveiller l’esprit de résistance chez les autres. » Il s’oppose également à l’idée courante selon laquelle le roman serait un manuel antifasciste. Selon lui, il est plutôt le reflet du conflit intérieur d’Horváth et de ses contradictions pendant la période trouble de la montée du nazisme. Car, rappelle-t-il, l’auteur a certes fui l’Autriche et la répression nationale-socialiste, mais pour pouvoir se nourrir, il a aussi demandé son admission au Reichsschrifttumskammer, l’association des écrivains du Troisième Reich, ou a écrit sous pseudonyme des scénarios pour des productions kitsch nazies. Pour Thomas Ostermeier, « il est facile aujourd’hui de porter un jugement moral sur ces personnes. Mais à l’époque, le prix de la décence morale était très élevé ».
Isabelle Stibbe
A propos de l'événement
Jeunesse sans Dieu, d’Ödön von Horváth, mise en scène de Thomas Ostermeierdu mardi 16 mars 2021 au dimanche 21 mars 2021
Théâtre Les Gémeaux - Scène nationale de Sceaux
49 avenue Georges Clemenceau, 92330 Sceaux.
Du mardi au samedi à 20h45, dimanche à 17h.
Tél. : 01 46 61 36 67.