Focus -149-Domaine départemental de Chamarande en Essonne / Spectacles gratuits en plein air
Erase-e(x) 1, 2, 3
Johanne Saunier, interprète d’exception, se livre au jeu d’un cadavre exquis
chorégraphique aussi singulier que passionnant.
Erase-e(x). Effacer pour recréer. En 1953, le plasticien Robert
Rauschenberg effaçait à la gomme un dessin de son ami Willem De Kooning pour se
l’approprier et faire ?uvre. S’inspirant de ce tableau, Erased De Kooning
drawing, Johanne Saunier a imaginé un processus où chaque chorégraphe efface
et recrée la pièce du précédent. Interprète majeure de la compagnie Rosas durant
plus de dix ans, elle se fond d’abord dans les gestes précis, incisifs, un brin
mutins, d’Anne Teresa de Keersmaker qui a composé la phrase originelle. Puis,
après ce prologue, la danseuse se laisse contaminer par l’émotion, minaude,
pose, badine, insolente et mystérieuse : femme caprice sur la voix boudeuse de
BB extraite du Mépris de Godard. A partir d’improvisations sur les
enregistrements vidéo de la proposition initiale, truffés de séries B
américaines, de westerns et références cinéphiles, le Wooster Group a en effet
recréé une partition en infusant à chaque mouvement un contenu psychologique,
une portée affective loin de toute abstraction lyrique.
Un objet scénique étrange, drôle et fascinant
Anne Teresa de Keersmaker est repartie ensuite de ce nouveau matériau et a
vidé la danse de son intention narrative, affûtant le mouvement jusqu’à la
virtuosité, modulant la caresse des rythmes sur les percussions indiennes riches
et complexes de Umayalpuram Sivaraman. Enfin, Isabelle Soupart s’est emparé de
cette ?uvre toujours en devenir et y a imprimé sa vision. Charles François,
lunettes noires, dégaine d’impresario et physique de jeune premier, rejoint
Johanne Saunier pour un duo-duel inquiété en sourdine par une atmosphère de
thriller. Infiltrant l’humour au c’ur de la danse, déconstruisant le mouvement
et la narration, Erase-e(x) reste ouvert à l’imaginaire du spectateur et
laisse entrevoir des questionnements essentiels sur les notions de matériau,
d’écriture, d’interprétation, de référence stylistique, de croisements
disciplinaires. Il révèle aussi une personnalité exceptionnelle dans ce jeu de
la fiction de soi : Johanne Saunier.
Gwénola David
Erase-e (x) 1,2,3, concept : Joji Inc Johanne Saunier / Jim
Clayburg ; chorégraphie : The Wooster Group (partie 1), Anne Teresa De
Keersmaeker (partie 2) et Isabelle Soupart (partie 3). Le 8 juillet à 15h30.