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Entretien Stefan Dreher : Island ou la fusion impossible

Entretien
Stefan Dreher : Island ou la fusion impossible - Critique sortie Danse

Publié le 10 juin 2007

Stefan Dreher est un jeune chorégraphe d’origine allemande, qui s’est établi
en Belgique. Il adapte sa nouvelle création, librement inspirée de Milan Kundera
et de Samuel Beckett, pour le parc du domaine départemental de Chamarande.


Votre nouvelle pièce, Island, porte un sous-titre : « solo pour
deux ». Pourquoi cet intitulé ?

Stefan Dreher : La pièce tourne autour d’une île, « island » en
anglais, ce qui résonne un peu comme un jeu de mots puisque l’on peut aussi
entendre « I ? land », comme si le « je » était inscrit dans l’île? L’idée de
départ était de réunir deux êtres, un homme et une femme, sur une île. C’est
sûrement très dur de vivre à deux au milieu de la mer? La solution serait que
les deux personnes fusionnent, qu’elles deviennent un seul être : de nombreux
mythes évoquent une telle union. Mais peut-on vraiment « être » avec quelqu’un ?
Ou notre individualité nous séparera-t-elle toujours de l’autre ? Nous étions
cinq personnes dans l’équipe pour cette création, et les avis restent divisés
quant à la possibilité de fusionner réellement ! Toute la pièce tourne autour de
ce couple qui, comme une vague, trouve un moment de connexion, expérimente
l’illusion d’une fusion, sur un mode presque atomique, s’enrichit de ces moments
puis se sépare, se retrouve : la dynamique et la danse naissent de ce
va-et-vient.

« Island est une pièce amusante mais amère, qui questionne
les relations homme-femme. »

La pièce a été créée en théâtre. Comment concevez-vous son adaptation pour le
parc ?

S. D. : En théâtre, il est facile de construire l’illusion d’une île. Un
simple cercle de craie isole un acteur et le transpose dans un univers de
solitude. Le parc de Chamarande, c’est l’autre extrême : il sera très difficile
de créer une telle séparation entre les danseurs et le reste du monde ! Mais
l’idée de l’île a nourri toute la création : à présent, nous pouvons nous passer
de la matérialisation de cet espace, expérimenter la pièce dans une autre
configuration et observer la portée de la danse dans ce nouveau cadre. Je me
pose surtout la question du rapport au public : Island est une pièce
amusante mais amère, qui questionne les relations homme-femme. Si je devais
définir à quel moment de la journée cette scène de couple se déroule, je dirais
que c’est très tôt le matin, quand le jour est à peine levé. Or la pièce est
programmée un dimanche après-midi, au moment où les familles vont visiter le
parc. Cela m’intéresse de voir comment elle sera reçue !

Vous êtes un jeune chorégraphe. Comment envisagez-vous la suite de votre
parcours ?

S. D. : De plus en plus, je me pose la question de nos façons de
travailler. De très nombreuses pièces de danse ou de théâtre sont créées
aujourd’hui : on travaille six mois pour produire une petite pièce d’une heure,
qui va rarement au bout des choses, parce qu’il est très difficile d’aller loin
tout seul. Nous avons besoin de plus d’échanges. Dans le domaine du virtuel par
exemple, sur Internet, des travaux artistiques voient le jour sans copyright,
sans auteur identifié. C’est forcément dur à accepter, car nous sommes habitués
à créer notre propre pièce, à signer. Mais le lâcher-prise est généralement très
fécond. Si j’arrive à mettre en place le travail collectif dont je rêve,
Island
sera peut-être la dernière pièce que j’aurai créée « seul sur mon
île »?

Propos recueillis par Marie Chavanieux

Island, solo pour deux, de Stefan Dreher. Le 22 juillet à 15h30.

A propos de l'événement



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