Perturbation
Avec une nouvelle troupe de comédiens [...]
Focus -214-Automne en Normandie
Avec sa compagnie Nico and the navigators, la metteure en scène allemande Nicola Hümpel propose à l’Opéra de Rouen Mahlermania, un spectacle d’après des lieder de Mahler.
Pourquoi avez-vous choisi de consacrer ce spectacle à la figure de Mahler ?
Nicola Hümpel : L’idée est née au cours d’un échange avec le directeur de la dramaturgie de la Deutsche Oper à Berlin, Jörg Königsdorf. Il avait suivi nos précédentes incursions dans l’univers du théâtre musical, notamment autour d’Haendel et Rossini. Je n’aurais pas forcément moi-même osé aborder Mahler. En me replongeant dans sa musique, en découvrant son itinéraire, cette place très particulière qu’il occupe à la charnière du romantisme finissant et des temps modernes, mais aussi les écrits d’Adorno à son sujet, j’ai été totalement fascinée. Et je suis finalement devenue « mahlermaniaque ». Mahler catalyse les contradictions, c’est une cavalcade immobile, dans laquelle on retrouve Nietzsche, mais aussi Freud.
Comment avez-vous construit la pièce ?
N.H. : Comme toutes les pièces que nous avons développées avec Nico and the Navigators au cours des quinze dernières années, il n’y a jamais de plan préétabli en amont. L’essentiel du processus de création a lieu dans la salle de répétition, au cours d’une intense phase de recherche, d’écoute, d’improvisations, d’essais, où l’on ne s’interdit rien. Les acteurs et les chanteurs sont ainsi intimement liés au développement de la pièce. Bien sûr, il a fallu ici composer avec des contraintes liées aux partitions et au fonctionnement d’une grande institution comme l’Opéra de Berlin. Le choix des œuvres ainsi que leur agencement est finalement né assez naturellement et en étroit dialogue avec Anne Champert, qui a assuré l’essentiel des transpositions pour petit ensemble musical, et le chef d’orchestre Moritz Gnann. La décision par exemple de laisser une large place à « L’Adieu » du Chant de la Terre s’est imposée quasiment d’emblée. Il s’agit d’une partition qu’il a écrite à un moment très particulier de sa vie, un moment où il n’a plus rien à perdre, et cela se sent.
Quel est le lien entre texte et musique ?
N.H. : La plupart des textes sont le fruit d’improvisations nées pendant l’écoute de la musique, et fonctionnent sur un mode associatif. Il ne s’agit pas de raconter une histoire, au sens conventionnel du terme, mais plutôt de proposer au spectateur un univers dans lequel il est libre de se plonger et de laisser jouer sa propre imagination. En l’occurrence nous nous sommes inspirés de la biographie de Mahler, et tout particulièrement de sa relation avec Alma. Ceux qui en connaissent la trame ne manqueront pas de retrouver dans le spectacle de multiples allusions à ce couple tumultueux. Mais cela n’a rien de didactique. Ce qui m’intéresse, au fond, c’est en quoi cette musique, ce bouillonnement créatif et en même temps ce déchirement permanent, mais aussi cette mélancolie nous touchent, nous, aujourd’hui – y compris quelqu’un qui viendrait à l’opéra pour la première fois et ne connaîtrait aucunement Mahler.
Propos recueillis par Antoine Pecqueur
Avec une nouvelle troupe de comédiens [...]