Danse et transmission : pour une créativité renouvelée

J’ai eu la chance d’avoir les plus grands maîtres de l’Inde, d’une humilité
totale. Des gens extrêmement connus, comme Ram Gopal, dans les bras duquel a
pleuré Nijinski, d’autres grands maîtres inconnus, qui sont selon un proverbe
indien comme la lumière sous un pot. Il faut rentrer dans le pot pour voir cette
lumière, invisible de l’extérieur. Tout le monde ne devient pas artiste. Sur 200
élèves, je repère tout de suite le futur artiste dès les premiers cours. En tant
que maître on entretient une relation extrêmement privilégiée, parentale, avec
l’élève. L’élève est fasciné par le maître, c’est un modèle. On apprend beaucoup
par imitation en Inde dans l’art traditionnel, dans le silence. L’élève reflète
le maître. Etre un maître est un état pour moi très difficile à assumer.

C’est en cela que les maîtres indiens sont des génies pour moi. Depuis tout
jeune j’ai créé, quand mon maître m’enseignait deux notes je jouais quatre
notes. Quand j’apprenais quatre pas, je faisais deux pas en plus. Arrivé à une
certaine maturité il m’a dit : c’est très beau, ce que tu as appris équivaut à
une pierre, tu as devant toi une montagne. On reconnaît le talent, et après on
se retire. On a enseigné ce qu’on a pu. J’ai créé une académie de danse et
musique pour enfants défavorisés à Pondichéry, où la journée est structurée par
les activités : yoga, danse, chant, veena, art martial, percussions. L’art
traditionnel est une répétition à l’infini. Cela devient une thérapie, un outil
miraculeux. Quand ils arrivent, leur corps est absent, ils ne savent pas lever
la jambe, on leur donne de l’énergie et ils deviennent resplendissants, ils
s’éveillent.