Arts, humanités et partages, rencontre avec Sophie Mugnier
À la tête du Théâtre Brétigny, Sophie Mugnier [...]
Focus -294-Le Théâtre Brétigny emmène les arts au coeur du territoire
Elsa Granat et Laure Grisinger ont réuni plusieurs habitants de Cœur d’Essonne que rejoindront les comédiens Antony Cochin, Hélène Rencurel et David Seigneur au terme d’un travail collectif de recherche, d’écriture et de jeu, pour un spectacle sur l’arrivée des intelligences artificielles dans les métiers du soin.
Comment ce projet est-il né ?
Elsa Granat : En novembre dernier, Sophie Mugnier m’a parlé de ma façon de m’attacher à des sujets épineux, « piégeux » comme elle disait, et m’a proposé de travailler avec des habitants de Brétigny autour d’un sujet de ce type. J’ai d’abord eu l’idée de travailler sur la notion de foyer et la place qu’y occupent les femmes, et, plus généralement, sur tous les métiers invisibles qui ne sont jamais valorisés. Je ne voulais pas travailler seule et nous nous sommes lancées ensemble, avec Laure, dans une réflexion sur ce thème que j’ai croisé avec un autre travail que j’avais commencé – une sorte de dystopie – sur l’intelligence artificielle. Laure a construit une trame dramaturgique autour de cette question.
Laure Grisinger : Au terme de nombreuses lectures et rencontres (avec les experts Damien Gromier et Bruno Bonnell pour ne citer qu’eux), j’ai compris que nous étions encore très loin de maîtriser des intelligences artificielles efficaces, même si la désertion de l’humain a déjà commencé au nom de ce possible remplacement. On retire du travail à certains, alors que dans le même temps, tout un lumpenprolétariat, payé à la tâche et dont personne ne parle, entraîne, évalue et perfectionne ces machines pour les alimenter en données. Ce travail nous a permis de construire notre pensée et de la partager avec les habitants qui sont tous acteurs du soin (psychologue, coach sportif, cadre de santé, bénévoles essentiellement tournés vers l’autre).
Comment les avez-vous choisis ?
E.G. : Les chargées des relations publiques du théâtre ont fait un énorme travail pour trouver des volontaires malgré le confinement. Ce qui les réunit, c’est que ce sont des gens qui fondent tout sur la relation. Il ne s’agissait pas seulement de faire un spectacle avec eux mais de les réunir pour réfléchir ensemble, chacun avec ses savoir-faire et son expérience d’humain. Ensuite, ils viennent au plateau pour des improvisations où ils sont rejoints par trois acteurs professionnels. Il ne s’agit pas d’un atelier théâtre mais d’une autre façon de penser ensemble la création.
L.G. : Il fallait trouver des gens ayant envie de s’interroger sur ce dont ils sont investis au quotidien. Le théâtre leur permet de mettre cela en partage, à partir de leur pratique. C’est pour cela qu’ils ne sont pas faux quand ils jouent. Au-delà de l’espace institutionnel étriqué dans lequel ils travaillent, le théâtre leur permet de prolonger ce qu’ils essaient de construire dans leur vie.
E.G. : Je suis toujours partie de la vraie histoire de ceux avec lesquels je travaille. Jusque-là, je l’avais fait avec des acteurs : c’est la première fois que je découvre cette nouvelle forme d’horizontalité. On parle vraiment, ce qui simplifie le rapport à l’autre. L’épineux que je cherche à dépasser ou à résoudre est souvent dû au fait que la prise de parole est souvent trop extrême, trop brutale. Une fois ce rapport au discours simplifié, nous pouvons faire naître le théâtre très coloré et très tranché que nous aimons.
Propos recueillis par Catherine Robert
à 20h30. Reprise les 2 et 3 juin 2022 au Grand Parquet, Paris.
À la tête du Théâtre Brétigny, Sophie Mugnier [...]