La Terrasse

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Arthur Nauzyciel

Arthur Nauzyciel - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 octobre 2008

La porte ouverte de l’inconscient

Après la création de Julius Caesar à Boston, Arthur Nauzyciel met en scène Ordet (La Parole), de Kaj Munk. Une pièce envisagée par le nouveau directeur du Centre dramatique national d’Orléans comme une fable sur le doute et la croyance, sur l’énigmatique projection de l’homme dans l’existence.

L’idée de mettre en scène Ordet vous habite depuis votre premier spectacle. Qu’est-ce qui vous lie à cette pièce ?

Arthur Nauzyciel : Souvent, ce qui me donne envie de mettre en scène un texte, c’est la sensation étrange d’être bouleversé par quelque chose qui m’échappe. C’est ce sentiment de l’ordre de l’inexprimable que j’essaie de communiquer au public. Quand j’ai lu Ordet pour la première fois, une émotion très forte m’a envahi. Une émotion diffuse, qui ne provenait pas d’une chose particulière. Cette fable à la limite du conte est traversée par l’histoire d’un miracle, de la mort à la résurrection. Ces notions font profondément partie de mon univers théâtral. Ecrite en 1925 par Kaj Munk, pasteur danois, la pièce montre une famille de fermiers confrontés à la résurrection d’une femme morte en couches. J’ai toujours envisagé le théâtre comme un lieu de confrontation des mondes visibles et invisibles, des mondes des morts et des vivants. Ordet interroge le doute et la croyance. Dans la conscience du monde d’aujourd’hui, quelle est cette force intime et archaïque qui nous tient droit et nous oblige à vivre. Au-delà de ces thématiques, c’est au sein même du processus de création que j’ai cherché le sujet du projet. Car la difficulté n’est pas de définir le sens d’un texte, mais de comprendre ce qui, dans la rencontre du texte et du contexte, va être constitutif d’un spectacle.

 
« J’ai toujours envisagé le théâtre comme un lieu de confrontation des mondes visibles et invisibles, des mondes des morts et des vivants. »
 
Quels sont, ainsi, les éléments du contexte qui ont essentiellement influencé votre processus de création ?
A. N. : Le fait qu’il s’agisse d’une demande du festival d’Avignon datant de 2005, une demande repoussée d’année en année. La collaboration de Marie Darrieussecq, avec qui j’ai traduit et adapté la pièce… Et puis, surtout, ma mise en scène de Julius Caesar. Car ce spectacle m’a permis de mesurer l’évolution qui avait été la mienne durant toutes ces années. Julius Caesar a constitué pour moi une étape importante. Sans m’en rendre compte, j’ai rassemblé dans ce spectacle tout ce qui me captivait quand j’avais 8 ans : la comédie musicale, les mondes parallèles, le cinéma, les masques, les mannequins… La part d’inconscient a ainsi été très importante dans l’élaboration de mon travail. Une porte s’est ouverte. Et, j’ai souhaité la maintenir ouverte pour Ordet.
 
Quels gestes de mise en scène cette ouverture implique-t-elle ?
A. N. : La mise en place d’un processus permettant à un maximum de notions inconscientes d’émerger. Pour cela, il faut que le travail dramaturgique parvienne à s’effacer au profit de choses qui ne sont plus de l’ordre de la maîtrise, de la volonté, du savoir… D’une certaine façon, cela revient à considérer le spectacle comme une forme de palimpseste : il y a ce que le metteur en scène se raconte pour le construire et, ensuite, il y a ce que le spectacle va raconter au public.
 
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat


Ordet (La Parole), de Kaj Munk, traduction et adaptation de Marie
Darrieussecq et Arthur Nauzyciel ; mise en scène d’Arthur Nauzyciel. Du 3 au 7 décembre.

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