Ars Nova reprend Laborintus II de Luciano Berio

« Dans cette partie / dans cette partie du livre / dans cette partie du livre de ma mémoire / commence une vie nouvelle ». Les mots de Dante ouvrent, non sans hésitation, Laborintus II (1965), hommage de Berio pour le 700^e anniversaire du Florentin. Convoquer la mémoire, c’est appeler le désordre. Le metteur en scène David Lescot évoque Saint Augustin : « La mémoire n’est pas un entrepôt bien rangé ». Cette idée fonde l’espace scénique : « un musée personnel, labyrinthique, où s’entassent les souvenirs, les événements et les œuvres, ce qu’on a écouté, ce qu’on a filmé… Dans cet espace propice à l’interprétation, on est centré sur le narrateur, Serge Maggiani. Il peut être cet enfant qui rêve à la fin du texte : les musiciens qui jouent sont-ils sur la scène ou dans sa mémoire ? ».

Une place publique où se troublent les temps 

Cette œuvre déconcertante joue de la mémoire musicale. Le directeur de l’Ircam Frank Madlener y voit une « place publique où Berio déplace les lignes, où se troublent les temps : baroque et contemporain, écriture et improvisation, musique savante et populaire, un espace sonore entre playlist et continuum. Berio a pressenti l’écoute du 21^e siècle ! Il a fait à la main, à l’oreille, avec la culture ce qu’aujourd‘hui l’on fait avec la machine. Ce que révèle Laborintus II, n’est-ce pas que la musique est l’art qui, par la puissance de l’interprète, peut le mieux hybrider ? ». « La musique est toute de relations » écrivait Dante.

Jean-Guillaume Lebrun