Créer, c’est nourrir l’imaginaire
Directeur des lieux depuis 2013, Sylvain [...]
Focus -279-Théâtre de Sartrouville et des Yvelines
Bérangère Vantusso s’empare de l’écriture poétique de Mariette Navarro. Entre théâtre, marionnettes et arts plastiques, la metteuse en scène crée Alors Carcasse*, un spectacle qui explore notre condition d’humains.
« Sur scène, ils sont cinq – comédiennes, comédiens, marionnettistes et un peu clowns – plongés à l’intérieur du corps de Carcasse. Aux prises avec de nombreuses tiges en bois, ils donnent corps à cette carcasse dans un geste sauvage et poétique, faisant écho à notre fragilité autant qu’à la brutalité du monde. Alors Carcasse est un poème en prose de soixante-deux strophes, organisé en trois parties. Le nom du personnage y apparaît trois cent une fois, faisant de Carcasse le personnage central incontesté de cette œuvre. Mais la figure de Plusieurs est là, aussi. Une des grandes qualités de ce texte, c’est sa continuité, qui est pour moi une forme de résistance à l’ère du fragment et du sur-montage. Comme un long plan fixe en perpétuelle transformation et recomposition, il invite le spectateur à se créer son propre chemin. Le désir de monter Alors Carcasse prend sa source dans la rencontre avec la langue singulière que Mariette Navarro déploie avec radicalité et douceur. Cette découverte m’a ramenée à mes premières amours de poésie qui m’avaient conduite, en 2004, à créer Va où – Ce qui m’arrive à tout le monde de Valérie Rouzeau.
Une parole libre
Le poème porte avec lui la question fondamentale de la représentation, qui est celle de l’incarnation. Faut-il incarner le poème et comment ? Le poème inquiète la scène et nous oblige à chercher ailleurs, autrement, à nous déplacer. Carcasse n’est pas un personnage, c’est plutôt une figure, un corps fictif, un être symbolique. Il serait vain de vouloir l’incarner. Carcasse représente une belle énigme pour quelqu’un, comme moi, dont le langage scénique est profondément ancré dans la marionnette. Aux côtés de ce corps siègent Plusieurs, autre figure immatérielle qui entoure ce “héros”. A la manière des acteurs du théâtre de marionnette japonais, les cinq interprètes traversent le texte sans jamais chercher à incarner un personnage. Ou seulement de manière fugace. Ils portent Carcasse et Plusieurs, les font et les défont, les tiennent et les lâchent. Ils laissent la parole libre. Ici, tout est convention et appel à l’imaginaire. Le spectateur est mis en permanence dans la position organique de compléter, prolonger, éclairer la scène. Ensuite vient la fascination pour le personnage central, héros immobile posant le plus simple et le plus puissant des actes : s’arrêter, ne plus participer au flux, tenter de se construire hors des injonctions du monde. »
* Texte publié chez Cheyne Editeur.
Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat
Tél. : 01 30 86 77 79.
Site : www.theatre-sartrouville.com
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Temps fort biennal consacré à la création [...]