La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Fantasio

Fantasio - Critique sortie Théâtre
Crédit Photo : Cosimo Mirco Magliocca Légende photo : Cécile Brune, un Fantasio délicat et profond.

Publié le 10 octobre 2008

Denis Podalydès met en scène Fantasio de Musset avec un art virevoltant du décalage et une insolence mâtinée de lyrisme et rend un bel hommage au spleen onirique du romantisme désabusé.

Tournoyant sur le manège qui occupe le centre du beau décor imaginé par Eric Ruf, les personnages de ce drame bouffon s’y enivrent à l’instar des romantiques de ce siècle des révolutions que fut leur époque maudite et qui fit revenir les peuples et les esprits à la réaction après le mouvement, dans une cyclicité désolante où l’ivresse d’avoir bougé se soldait par un amer retour au même. Fantasio et ses amis ont beau se perdre dans un alcool aux vertes allures d’absinthe, ils ont beau confier leur fortune aux cartes et inventer des jeux pour tromper leur ennui, celui-ci revient toujours comme une hydre vivace étouffer leurs âmes fragiles. Aucune consolation possible pour les petits enfants d’un siècle cupide et corrompu : ni l’amour, ni la nature, ni l’art, ni la politique pour soigner leur anorexie existentielle. Reste, dans ce cloaque qu’est le monde, une seule solution : s’amuser des apparences et contre elles, railler les fausses gloires en arrachant les perruques des monarques débiles et protéger les filles du mariage en les rêvant peut-être femmes libres de Fourier. Tel est le combat de Fantasio, tel était peut-être aussi celui de Musset…
 
Subtil équilibre du sublime et du grotesque
 
Les comédiens dirigés par Denis Podalydès jouent à merveille du décalage et du cynisme attendrissant d’un Musset hésitant entre la haine misanthrope et la pitié inavouée pour ses semblables. Cécile Brune sait être avec grâce un Fantasio désillusionné qu’émeut pourtant la larme perlant sur le visage de la princesse ; Florence Viala excelle en Elsbeth prise dans l’étau d’un sacrifice auquel elle ne croit pas ; Guillaume Gallienne brille en Prince de Mantoue, seul imbécile de la bande à croire à la vertu des grandeurs d’établissement. Tout le reste de la troupe offre des compositions de haute tenue et joue à merveille des paradoxes théâtraux dans cette pièce où le théâtre lui-même n’échappe pas à l’ironie, le faux marivaudage inventé par le Prince de Mantoue tournant à la farce délirante où le seul qui croit à l’amour se voit infliger le scalp de sa fonction. L’intelligence de la mise en scène de Denis Podalydès est aussi d’avoir su se retenir sur les pentes du grotesque : la beauté est bien là que ces âmes chétives ne peuvent saisir, dans les chants qui s’élèvent, dans le mouvement des draperies, dans l’élégance des costumes, dans la splendeur hiératique de certaines poses de la princesse, dans la bonté ronchonne d’un Fantasio refusant les attaches, dans l’amitié demeurée des poètes ratés du prologue. D’avoir su montrer cette beauté en montrant comment peuvent la gâcher ceux qui ne croient plus en rien fait la pertinence de cette mise en scène subtile, équilibrée et en tous points réussie.
 
Catherine Robert


Fantasio, d’Alfred de Musset ; mise en scène de Denis Podalydès. Du 18 septembre 2008 au 15 mars 2009 en alternance. Comédie-Française, salle Richelieu, place Colette, 75001 Paris. Renseignements et réservations au 08 25 10 16 80 et sur www.comedie-francaise.fr

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