La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Et c’est un sentiment…écriture collective, mis en scène par David Farjon

Et c’est un sentiment…écriture collective, mis en scène par David Farjon - Critique sortie Théâtre Vanves Théâtre de Vanves
Et c'est un sentiment... CR : Jérémie Gaston-Raoul

Ecriture collective dirigée et mise en scène par David Farjon

Publié le 19 décembre 2019 - N° 283

Comment se sont bâties les représentations médiatiques de la banlieue  ? Et c’est un sentiment qu’il faut déjà que nous combattions je crois nous en apprend sans pour autant nous surprendre.

Après Ce que je reproche le plus à l’architecture française, c’est son manque de tendresse, la compagnie Légendes urbaines poursuit son chemin à travers les beaux titres à rallonge et la banlieue comme champ d’étude. Suite à son approche urbanistique remarquée, les six artistes de la compagnie déplacent la focale sur le terrain des médias, Et c’est un sentiment qu’il faut déjà que nous combattions je crois reprend une phrase prononcée dans un JT de 1976 présenté par Roger Gicquel, à l’époque où la banlieue n’apparaît qu’à peine comme un problème en France. Les événements de 1981 des Minguettes à Vénissieux ne sont pas encore passés par là, ni le fameux «  racaille  » de Sarkozy, ni les morts de Zyed et Bouna à Clichy, ni les émeutes qui leur succéderont ou encore les fameux cafés interdits aux femmes de Sevran. C’est sur ces sujets et leur traitement médiatique que revient le spectacle, naviguant entre décryptage de la fabrique de l’information et des représentations qu’elle fait naître et dénonciation de la confiscation de la parole, qui s’opère au détriment des habitants de ces quartiers qu’on qualifie maintenant dans une ambivalence bien involontaire de « sensibles ».

Entre réel et fiction

Traversant allègrement les frontières entre le comédien et le personnage, le réel et la fiction, la narration, le commentaire et l’action, le spectacle tournoie au rythme des tables et des écrans qui dessinent des lieux en perpétuelle reconfiguration : plateau télé, bureau de rédaction et autres théâtres des événements. L’ensemble est fluide mais paraît hésiter entre plusieurs registres. Le spectacle débute comme une enquête  avec  des tentatives de reconstitution du processus qui aboutit à ce fameux reportage sur les cafés de Sevran et Vénissieux. On nous y rappelle à l’occasion le passé de la reporter de France 2, Caroline Sinz,  sexuellement violentée place Tahir en Egypte, et l’on reconstitue avec vraisemblance les probables rapports de force au sein de la rédaction qui ont conduit à la confection de ce reportage. On interroge au passage les modes de production du théâtre, avec ses questions de genres et de représentations des minorités. On revient sur 1981 et la manière dont les médias achetaient du spectaculaire, demandaient aux habitants de jouer les casseurs. Dans un monde dorénavant habitué au décryptage des images, qui a beaucoup appris sur la confection de l’information, le spectacle reste éclairant mais se fait parfois redondant. Si bien qu’on se demande ce que le média théâtral peut apporter dans ce registre, en plus de ce que font déjà ceux de l’image. La réponse se fait attendre mais surgit à la fin, éloquente, incontestable avec le masque de Zyed qui danse sur Douce France.

Eric Demey

A propos de l'événement

Et c'est un sentiment...écriture collective, mis en scène par David Farjon
du lundi 13 janvier 2020 au mercredi 15 janvier 2020
Théâtre de Vanves
12 rue Sadi Carnot, 92170 Vanves

le 13 à 20h30, les 14 et 15 à 19h. Tel  : 01 41 33 93 70. Puis en mars à Fontenay, Saint-Quentin-en-Yvelines et Mantes-la-Jolie. En mai au théâtre Paris Villette. Durée  : 1h45. Spectacle vu au Théâtre Romain Rolland de Villejuif.

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