Spring, les « rois du jonglage » ou « Gandini » sont de retour
Les « rois du jonglage » sont de retour pour [...]
Le brio de l’écriture ne suffit pas à faire une grande comédie. La preuve par Ervart, pièce classe qui, à force, lasse.
Ça part dans tous les sens, un vrai feu d’artifice. On est à Turin pour les derniers jours de Nietzsche ou à Paris en 2001, précise l’auteur. Un mari jaloux met la ville à feu et à sang. Un psy complètement malade tente de le soigner en citant à tout bout de champ de grands philosophes. Un agent secret zoophile se déguise en précepteur pour démasquer des terroristes. Et un trio d’anglais n’arrive pas à retrouver la pièce où il est censé jouer. Ervart démarre fort, avec une galerie de personnages loufoques, des situations abracadabrantes, sans lien apparent, qui créent du théâtre dans le théâtre, sous la tutelle de Frédéric Nietzsche, grand absent déboussolé qui sort parfois de sa chambre. S’esquisse un théâtre de boulevard que l’auteur, Hervé Blutsch, s’amuse à renverser. Le mari est jaloux mais il n’y a pas d’amant. Ervart, interprété par Vincent Dedienne, ouvre compulsivement les portes pour voir ce qui se cache derrière mais il n’y trouve jamais rien. La femme du peuple tente de faire son entrée dans la pièce mais on la lui refuse. Seuls le domestique en livrée jaune et noire et la femme d’Ervart, belle grande femme au dos dénudé qui s’adonne au piano, cèdent un peu aux codes dans cette comédie des contre-pieds.
Monty Python et ironie mordante
Il y a un vrai brio dans cet art de la déconstruction. Et l’on se demande au début avec gourmandise comment la pièce fera pour retomber sur ses pieds. Malheureusement, en guise d’atterrissage, la descente va se faire longue et un peu monotone alors qu’on l’attendait mouvementée. La faute à une absence de tension dramatique, qui fait que chaque situation semble s’étirer gratuitement. Chacun s’installe dans son rôle. Le mari traverse répétitivement ses cauchemars de jalousie. Le zoophile s’amourache d’un cheval. Et pour trouver un rôle dans la pièce, la femme du peuple se fait pute. Mais les interactions entre les personnages font défaut. Et malgré quelques baffes, ni les portes, ni les répliques ne claquent. Dans une ultime pirouette, on en reviendra à la mythique scène de Nietzsche s’interposant face à un cocher qui maltraite son cheval pour une fin de tragédie. La déconstruction est menée à son terme. Le contre-pied tourne au grand écart. Pourquoi pas. Si un propos, une folie, des transgressions avaient pris le relais. Restent une distribution convaincante, quelques scènes bien tournées, une scénographie ingénieuse à base de portes qui ne cachent rien et de couloirs à vue et la virtuosité d’un auteur qui conjugue Boulevard, Monty Python et ironie mordante de notre modernité. Pour son plus grand plaisir, que petit à petit, cependant, on peine à partager.
Eric Demey
à 21h. Le Dimanche à 15h. Relâche le lundi et le 15 janvier. Tel : 01 44 95 98 21. Durée : 2h10. Spectacle vu au Quai, CDN d'Angers.
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