La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Entretien

Entretien
Maria Donata D’Urso
L’inconnu du corps

<p>Entretien<br>
Maria Donata D’Urso<br>
L’inconnu du corps</p> - Critique sortie Danse
Crédit photo : © François Berthon

Publié le 10 mai 2007

Chez Maria Donata d’Urso, le corps, nu, universel, déconstruit la figure
humaine et se mue en matière vivante singulière. Les membres s’autonomisent puis
s’assemblent autrement, pour composer d’étranges tableaux abstraits et mouvants.
Dans ses solos, la danseuse et chorégraphe sicilienne fait du corps un sujet
inconnu dont les multiples strates de perception n?ont pas fini de fasciner.

Chaque création part chez vous d’un questionnement du corps dansant. Comment
Lapsus s’inscrit-il dans la continuité de votre réflexion ?

Maria Donata D’Urso : Pezzo 0 (due), mon premier solo, envisageait
le corps non comme moteur du geste ou vecteur d’une trajectoire dans l’espace,
mais en tant que lieu de relations ou de déstructuration des formes et des
mouvements. La peau devenait espace scénique, frontière, limite? point zéro
entre l’extérieur et l’intérieur, où s’inscrivaient les événements et les signes
du corps. Collection particulière approfondissait la démarche et
considérait la peau comme un organe en soi : instrument sensitif, interface
entre nous-mêmes et le monde. Lapsus poursuit ces questionnements sur les
contours, sur ce qui permet la visibilité d’une forme, et interroge les enjeux
du rapport entre le sujet et le contexte, autrement dit les interactions entre
le corps et l’espace dans lequel il se trouve, traversé par le son et la
lumière.

Quel dispositif avez-vous imaginé pour rendre visible ces interactions ?

M. D. D’U. : J’ai conçu avec Vincent Dupraz un anneau, suspendu à la
verticale, dans lequel j’évolue. Les lumières de Caty Olive, fortes en
variations et en intensités, et le son spatialisé de Vincent Epplay, qui mixe
musiques électroniques, bruits concrets et textures sonores, donnent une
matérialité au vide qui m’entoure à l’intérieur de l’espace délimité par le
cercle. Ces vibrations sonores et lumineuses influent sur la perception du vide
et du corps, rendus plus ou moins visibles, mais également sur le corps
lui-même, donc sur son état et ses mouvements. Le rapport entre les différents
plans qui composent l’image, entre le fond et la figure, permet de mettre en jeu
le surgissement du sujet.

Quelle a été votre recherche pour le travail corporel ?

M. D. D’U. : Elle s’appuie sur une attention extrême de la perception,
sur l’écoute intime du corps. J’ai travaillé sur les contours, sur la peau, sa
perméabilité. Mais, contrairement à Collection particulière où le poids
constituait la force agissante qui générait des formes ou des événements, j’ai
porté ici ma recherche sur l’élévation, sur les courbes, les circularités et les
dynamiques impulsées par la sphère, pour créer d’autres proportions, d’autres
perspectives, d’autres images du corps.

D’où vient le lapsus du titre ?

M. D. D’U. : Il ne renvoie pas au discours psychanalytique. Je l’ai
pioché dans Discours, figure du philosophe Jean-François Lyotard, qui
désigne ainsi un glissement du sens. Etymologiquement, le terme renvoie à
l’écoulement des fleuves, au vol d’oiseaux? glissade, chute, mouvement uniforme
et rapide, sens qui glisse vers l’inconnu?. Ce que j’essaie de provoquer avec le
corps !

Entretien réalisé par Gwénola David

Lapsus, chorégraphie et interprétation de Maria Donata d’Urso, dans le
cadre des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis, du 24
au 26 mai, à 19h30, au CDN de Montreuil. Salle Maria-Casarès, 63, rue Victor
Hugo 93100 Montreuil. Rens. 01 55 82 08 01 et
www.rencontres-choregraphiques.com

A propos de l'événement


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