Festival Pontoise
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Au Théâtre des Champs-Elysées, Christian Schiaretti met en scène Castor et Pollux de Rameau, sous la direction d’Hervé Niquet. C’est la première fois que le directeur du Théâtre national populaire de Villeurbanne s’attaque à un ouvrage de ce compositeur.
Quel regard portez-vous sur le livret de Castor et Pollux ?
Christian Schiaretti: Au premier abord, ce livret m’a semblé insipide. Puis en le creusant, en prenant en compte le lexique de l’époque, je l’ai trouvé bien plus subtil, plus complexe que je ne le pensais, notamment dans les contradictions des personnages. Par exemple, dés le début, Castor et Télaïre sont amoureux, mais dans une situation conflictuelle. Je comprends maintenant pourquoi le librettiste Gentil-Bernard était considéré en son temps comme le nouveau Quinault.
Quelle est pour vous l’actualité de cet ouvrage ?
C.S.: Par définition, toute tragédie est actuelle si elle est juste. Quand on voit aujourd’hui des bourreaux qui, par mesure de rétorsion, font couler le sang, on pense au sang du roi Lyncée offert en échange de la mort de Castor. Il y a une question politique dans cet ouvrage. Sparte a été fondée sur une bi-monarchie, avec deux rois, pour éviter la tyrannie. Or dans cette tragédie, le pouvoir repose sur deux têtes, celles des jumeaux Castor et Pollux, figures contradictoires et complémentaires. L’un est aimé, l’autre pas ; l’un meurt directement, l’autre expérimente un long chemin vers la mort. Dans cette production, vous ne verrez pas Castor et Pollux en Irak ou à l’hôpital, ni une représentation soi-disant baroque. Je recherche ici une évocation classique de la tragédie, qui parle de l’homme. D’ailleurs, pour moi, l’ouvrage s’ouvre comme une pièce de Racine.
Quelle scénographie avez-vous imaginée ?
C.S.: J’ai pensé la scénographie comme la prolongation sur scène du Théâtre des Champs-Elysées. Par son architecture, ce théâtre est une Grèce réinventée. Et on notera que dans le livret, l’action se termine aux Champs-Elysées… Mais surtout, avec ce dispositif unique, j’ai cherché à prendre comme dans la tragédie classique le public à témoin. Ce jeu de miroir, cet infini reproductif fait écho au thème du double, constamment présent dans cet opéra, qui est une tragédie du binaire.
Comment avez-vous traité les danses très présentes dans cet opéra ?
C.S.: J’ai demandé au chorégraphe Andonis Foniadakis de réaliser une danse contemporaine, très nerveuse, qui fait éclater l’énergie. Le but est de créer un contraste avec le jeu des chanteurs, qui sont eux dans la retenue.
Comment avez-vous travaillé avec les chanteurs?
C.S.: A l’opéra, il y a souvent un complexe du théâtre, avec des regards qui n’ont pas d’objet et des poses alanguies. J’ai essayé avec les chanteurs de travailler avant tout sur le sens et l’écoute du texte. Cette démarche fait écho au travail musical d’Hervé Niquet, très scrupuleux sur la diction et méfiant envers l’ornementation. Nous allons dans le même sens.
Propos recueillis par Antoine Pecqueur
Les 13, 15, 17, 19 et 21 octobre à 19h30 (sauf le 19 octobre à 17h). Tél. 01 49 52 50 50. Places: 5 à 140 €.
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