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Théâtre - Entretien

Entre chien et loup d’après Dogville de Lars Von trier, mise en scène de Christiane Jatahy

Entre chien et loup d’après Dogville  de Lars Von trier, mise en scène de Christiane Jatahy - Critique sortie Théâtre Paris Odéon-Théâtre de l’Europe - Ateliers Berthier
Christiane Jatahy crée Entre chien et loup à l’Odéon CR : Estelle Valente

d’après Dogville de Lars Von Trier / mes Christiane Jatahy

Publié le 16 décembre 2020 - N° 289

La metteuse en scène brésilienne Christiane Jatahy évoque Entre chien et loup, son dernier spectacle qui sera créé à l’Odéon à la fin du mois de janvier. Comme toujours, elle y entrelace les effets du théâtre et du cinéma.

Votre prochaine création s’inspire de Dogville de Lars Von Trier…

Christaine Jatahy  : En effet. C’est l’histoire d’une jeune femme brésilienne interprétée par Julia Bernat, qui appartient plutôt aux classes privilégiées et qui doit s’exiler, non pas pour des raisons financières, mais pour fuir ce mélange de milice et de gouvernement qui sévit dans son pays. Elle part dans l’espoir de rencontrer une société où les relations seraient différentes, bâties sur davantage de respect. Elle n’arrive pas aux États-Unis, comme dans le film, mais dans un théâtre où un groupe d’acteurs est en train de réaliser un film. On quitte donc la fiction d’origine pour y revenir à la fin, plus fort encore.

Comme c’est votre habitude, vous mêlez théâtre et cinéma. Quel sera votre dispositif ?

C.J.  : Mon dispositif est à chaque fois à la base de ce que je veux exprimer et rechercher. Dans Entre chien et loup, théâtre et cinéma se feront ensemble. Il y aura une projection en fond de salle et du théâtre devant. Comme si l’écran de What if they went to Moscow, l’une de mes pièces précédentes, reculait vers le fond du plateau. Il s’agira aussi dans la fiction de jouer avec l’expérience de faire un film et surtout à travers cela d’entrelacer le passé et le présent.

Vous dîtes que le cinéma porte la tragédie, et le théâtre l’espoir de changement. Pourquoi  ?

C.J  : Tout simplement parce que le cinéma est un enregistrement du passé qui nous apparaît comme du présent. Dans ce sens, il renvoie à ce passé qui inexorablement affecte nos vies, tandis que le théâtre demeure ouvert au présent, peut toujours se modifier en présence des acteurs et des spectateurs. Le théâtre est pour moi une métaphore de l’idée qu’on peut changer le présent, idée que j’essaye d’explorer à travers mes spectacles.

« Le théâtre est pour moi une métaphore de l’idée qu’on peut changer le présent. »

Pensez-vous que le théâtre peut changer le monde  ?

C.J.  : Pour changer le monde, il faut déjà se changer soi-même. Le théâtre porte pour moi l’espoir d’une utopie possible. Je le vois comme un espace à part, un lieu de discussion, où l’on va non pas pour trouver des réponses mais pour se rassembler, regarder ensemble la même histoire et voir ce que l’on peut changer. C’est évidemment une conception liée à l’agora, au théâtre grec.

Pourquoi avez-vous candidaté à la tête du Théâtre Nanterre-Amandiers  ?

C.J.  : Cela correspondait à une envie de partir de chez moi. J’habite maintenant entre le Brésil et la France, pays où je développe beaucoup mes recherches théâtrales. C’était une manière de l’assumer. J’y voyais la possibilité d’approfondir ces recherches, ainsi que le dialogue avec d’autres artistes. En somme une occasion de faire bouger les frontières, intérieures bien sûr, mais aussi d’ouvrir l’espace du théâtre à de nouvelles rencontres internationales. C’est quelque chose que j’ai beaucoup fait au Brésil. Le premier confinement m’a permis de penser ce projet. Au début, je doutais, j’hésitais, mais cette expérience m’a permis d’avoir maintenant la conviction que c’est une aventure à laquelle je peux aspirer. C’est peut-être bien aussi que je n’aie pas été choisie. Christophe Rauck fera un très bon travail à Nanterre.

L’avenir du Brésil est-il toujours aussi sombre selon vous  ?

 C.J.  : C’est vraiment important que Trump n’ait pas été réélu, en particulier parce que Bolsonaro s’est coupé du reste du monde. C’est de la folie à quel point ce gouvernement est nocif, et pas uniquement concernant l’écologie. Au Brésil, c’est le milieu de l’été mais le gouvernement n’agit pas contre la Covid. Les hôpitaux sont submergés et les gens font librement la fête sur les plages. Par ailleurs la population s’appauvrit. Avec Lula, plus personne ne souffrait de la faim au Brésil. Aujourd’hui, la famine revient. Seule bonne nouvelle  : aux élections municipales, les candidats soutenus par Bolsonaro ont le plus souvent perdu. C’est un bon signe. Mais il va falloir beaucoup de temps pour reconstruire ce qui aura été détruit.

Propos recueillis par Eric Demey

A propos de l'événement

Entre chien et loup d’après Dogville de Lars Von trier, mise en scène de Christiane Jatahy
du vendredi 29 janvier 2021 au samedi 20 février 2021
Odéon-Théâtre de l’Europe - Ateliers Berthier
1 rue André Suares, 75017 Paris

avant-premières les 27 et 28. Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h. Relâche le dimanche 31 janvier. Tel  : 01 44 85 40 40.

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