En attendant Godot
11 Gilgamesh Belleville / de Samuel Beckett / mes Yann-Joël Collin
Publié le 25 juin 2017 - N° 256Explorant les enjeux et les conditions de la représentation théâtrale, Cyril Bothorel, Yann-Joël Collin, Pascal Collin, Christian Esnay et Elie Collin créent une étonnante version d’En attendant Godot. A voir au Théâtre 11 Gilgamesh Belleville.
Un homme (le régisseur ?) annonce à voix haute le titre de la pièce de Samuel Beckett : En attendant Godot. Puis il apporte sur le plateau laissé totalement nu, au plus brut de la cage de scène, un arbre. Ou plutôt une sorte de grosse branche, dépourvue de feuilles, qui dépasse d’une boîte en carton. Le silence s’installe de nouveau. Durant de longues secondes. Jusqu’à ce qu’un comédien, assis au premier rang, se mette à gesticuler. D’abord assez discrètement, puis de façon débordante : ouvertement clownesque. C’est Cyril Bothorel qui, chapeau melon sur la tête, interprète Estragon. Il essaie, en vain, d’enlever l’une de ses chaussures. Quelques instants plus tard, il est rejoint depuis la salle par Yann-Joël Collin (identiquement chapeauté, il incarne Vladimir et signe la mise en scène). La salle reste allumée. Nous voilà parti dans un des chefs-d’œuvre dramatiques du XXème siècle, une des pièces emblématiques de ce théâtre baptisé « théâtre de l’absurde », mais qu’il aurait été plus juste d’appeler théâtre de l’expérience du vide, théâtre de l’exploration de la condition humaine.
Dans le ventre de la pièce de Samuel Beckett
Pour Yann-Joël Collin et ses partenaires de jeu (Christian Esnay – Pozzo, Pascal Collin – Lucky, Elie Collin – Le Garçon), En attendant Godot est également l’occasion d’une exploration de la représentation théâtrale, dans la droite ligne des recherches que le metteur en scène et comédien effectue, depuis bientôt 25 ans, au sein de la Compagnie La Nuit surprise par le jour. Abolition du quatrième mur, mise en partage avec le public des enjeux du théâtre, des conditions de sa fabrication… Placé dans une intimité exigeante avec les interprètes (on est loin des recettes racoleuses), le spectateur a presque l’impression d’être dans le ventre de la pièce de Beckett. Toutes les perspectives sur l’absence, sur l’étirement de la temporalité, sur les précipices et le vertige de l’existence apparaissent de manière éclatante. Usant d’un rapport au temps et d’une relation au jeu extrêmement inventifs, Yann-Joël Collin crée les conditions du vivant et de la profondeur. On est conquis par cet En attendant Godot résolument burlesque qui, l’air de rien, comme négligemment, touche au cœur de ce théâtre de l’humain.
Manuel Piolat Soleymat
A propos de l'événement
En attendant Godotdu jeudi 6 juillet 2017 au vendredi 28 juillet 2017
Avignon Off. 11 Gilgamesh Belleville
11 Boulevard Raspail, 84000 Avignon, France
à 22h10. Relâche les 11 et 18 juillet. Tél. : 04 90 89 82 63.