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Servie par la beauté de son interprétation et de sa scénographie, Une mouette, mise en scène par Elsa Granat, semble approfondir et assombrir le texte de Tchekhov.
On ne comprend pas forcément bien ce qu’a voulu faire Elsa Granat de La Mouette, pièce culte de Tchekhov, la plus représentée et quasi fétichisée par le milieu avec ses histoires de gloire et d’échecs artistiques croisées de relations amoureuses compliquées. Quelques fils se dessinent cependant. Celui tendu par un prequel, comme le désigne la metteuse en scène, qui a donc inventé l’avant de la pièce comme on peut le faire d’un Star Wars. Le premier acte de sa version raconte ainsi les débuts d’Arkadina comme actrice et les premiers pas de son fils, Treplev, qui doit se faire une place dans cette vie précaire, rendue d’autant plus difficile que le père est parti. S’y dessine une mise en avant des vicissitudes de la vie d’artiste de théâtre que la pièce permet naturellement, même si elle paraît davantage qu’avec Granat en constituer une toile de fond. La suite reprend le chemin de la pièce originale, dans la traduction de Markowicz et Morvan, à quelques arrangements près. Treplev joue sa pièce censée renouveler les formes devant sa mère et son amant, Trigorine, le célèbre écrivain qui affadit la vie. Nina se laisse éblouir par la renommée de celui-ci. Et tout autour, les amis, vieillissants, ressassent leurs rêves évanouis et les douleurs du temps qui passe, parmi lesquels Macha, qui traîne le deuil de sa vie.
Des teintes sombres et pleines de larmes
Déjà du temps de Tchekhov, on ne savait pas bien s’il fallait traiter cette pièce côté comédie ou côté tragédie. Elsa Granat opte pour souligner la souffrance de ses deux personnages féminins principaux, Arkadina et Nina, que d’une manière ou d’une autre, le théâtre finit par détruire. Un sequel – contraire du prequel – vient confirmer un second fil aux résonances shakespeariennes. Si le monde est un théâtre, on court alors le risque de n’y jouer que des rôles. Et Arkadina hurle finalement, suite au suicide de son fils, son sentiment d’être passée à côté de la vie. Devenue incapable d’être elle-même à force d’être actrice – tout du long, elle apparaît en costume de scène, comme une seconde peau éblouissante et maudite à la fois –, elle semble naviguer entre le trop plein d’émotions et la perte de contact avec la réalité. Au-dessus du vide, entre le tout et le rien, sa crise finale faisant écho à celle de Nina, de retour sur les lieux de ses rêves maintenant que sa vie a échoué. La Mouette d’Elsa Granat prend donc des teintes sombres et pleines de larmes. La détresse existentielle y est prise à bras-le-corps dans une excellente interprétation – peut-il en être autrement au Français ? – et via une scénographie de toute beauté où alternent coulisses du théâtre et toiles peintes figurant la campagne et le lac qui entoure la propriété. Tout y est pris au sérieux, très au sérieux, on ne badine pas. La fameuse bienveillance de Tchekhov vis-à-vis de ses personnages tourne à la passion, la dérision s’efface, les affres de la vie d’artiste et de femme ouvrent des gouffres.
Eric Demey
Du 11 avril au 15 juillet en alternance, matinée à 14h soirée à 20h30. Tel : 01 44 58 15 15. Durée : 2h15.
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