La Terrasse

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Avignon - Critique

Elisabeth Bouchaud et Marie Steen exhument la figure oubliée de Lise Meitner, mère de la fission, dans « Exil intérieur ».

Elisabeth Bouchaud et Marie Steen exhument la figure oubliée de Lise Meitner, mère de la fission, dans « Exil intérieur ». - Critique sortie Avignon / 2025 Avignon Avignon Off. Avignon-Reine Blanche
Elisabeth Bouchaud, Benoit Di Marco et Imer Kutllovci dans Exil intérieur. © Pascal Gely

Reprise / Avignon - Reine Blanche / texte d’Elisabeth Bouchaud / mise en scène de Marie Steen

Publié le 20 juin 2025 - N° 334

Exil intérieur fait partie de la série Flammes de sciences que La Reine Blanche a décidé de consacrer aux femmes scientifiques. Ce premier épisode éclaire le destin de Lise Meitner, la mère de la fission, oubliée par l’histoire.

Après Lise Meitner, suivront Jocelyn Bell, Rosalind Franklin et Marthe Gautier. Elisabeth Bouchaud rend ainsi hommage aux grandes scientifiques spoliées ou écartées par les hommes, qui ont refusé de partager avec elles les hochets de la renommée et la gloire de la reconnaissance publique. La directrice de la Reine Blanche met ainsi son théâtre au service de la cause des femmes, pour redresser les torts subis par celles qui avaient le défaut d’avoir une matrice en plus d’un cerveau. Lise Meitner est une physicienne autrichienne qui dut quitter son pays natal, où toute perspective de carrière universitaire lui était interdite, puisqu’elle était une femme. Arrivée à Berlin en 1907 pour y suivre les cours de Max Planck, elle rencontra Otto Hahn, jeune chimiste prometteur, avec lequel elle travailla pendant trente ans. La pièce d’Elisabeth Bouchaud démarre en 1933, quand les juifs commencent d’être inquiétés en Allemagne. L’intrigue se déploie autour des relations entre la physicienne et le chimiste.

Neutrons et interactions

Le biopic s’accommode avec bonheur de la leçon d’histoire des sciences. On suit les étapes de la découverte de la fission nucléaire en même temps que les déboires de la physicienne juive, contrainte à la démission et à l’exil. Benoit Di Marco incarne Otto Hahn. Il compose avec une subtile retenue celui dont Einstein disait qu’il fut « l’un des rares à se tenir droit et à faire de son mieux pendant ces années de mal », mais qui n’eut pas l’élégance d’associer Lise Meitner à la publication de ses travaux et à la renommée du Prix Nobel. Elisabeth Bouchaud joue la scientifique flouée. À leurs côtés, Imer Kutllovci rend très sympathique Otto Frisch, le neveu de la physicienne, qui travailla aussi avec elle, et eut, avec elle, l’idée que les noyaux d’uranium étaient sécables. La scénographie de Luca Antonucci permet aux trois comédiens d’évoluer de la joie du laboratoire à la douleur de l’exil. On suit, pas à pas, « la physicienne qui n’a jamais perdu son humanité », comme le fit graver Otto Frisch sur la tombe de sa tante. Une intéressante leçon de choses et une édifiante leçon de morale.

Catherine Robert

A propos de l'événement

Exil intérieur
du samedi 5 juillet 2025 au mercredi 23 juillet 2025
Avignon Off. Avignon-Reine Blanche
16 rue de la Grande Fusterie, 84000 Avignon

à 16h25, relâche les 10 et 17 juillet.

Tel : 04 90 85 38 17.

Durée : 1h25. Spectacle vu à La Reine Blanche à Paris.

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