Novecento
Au Théâtre du Rond-Point, André Dussollier [...]
Une réécriture peu connue du mythe de Don Juan qui traverse les années folles de l’entre-deux-guerres. Don Juan revient de guerre d’Ödon Von Horvath est mis en scène par Guy Pierre Couleau.
Von Horvath excelle dans la dissection des bouleversements sociaux de l’Allemagne de l’entre-deux-guerres. Ainsi, dans cette pièce, Don Juan assiste à la montée en puissance des femmes dans la société, consécutive à l’hécatombe masculine provoquée par 14-18. L’action commence avec un Don Juan atteint en plein cœur, errant dans une Allemagne dévastée, à la recherche de cette fiancée dont le conflit l’a éloigné, et vers laquelle le portent maintenant tous les soupirs de sa poitrine brûlante, affectée aussi par cette grande grippe qui, la paix revenue, continua de décimer les populations. Cherchant en chaque femme le souvenir de son amour disparu – il ne sait pas encore que sa fiancée est morte –, Don Juan erre tristement jusqu’à recouvrer son cynisme conquérant, qui l’enverra vers une fin de paria dans l’esprit de la légende. Voilà pour l’argument d’une pièce que Guy Pierre Couleau, directeur de la Comédie de l’Est, monte à l’occasion du centenaire de la Grande Guerre, dans une scénographie légère – quelques tables et accessoires récupérés d’anciens spectacles – faisant honneur à l’esprit audacieux d’un théâtre de peu de moyens.
A l’avantage des femmes
Deux comédiennes interprètent les trente-cinq femmes d’une pièce écrite sous forme de saynètes. Nils Öhlund incarne Don Juan, Carolina Pecheny et Jessica Vedel les mères et filles qui s’affrontent comme s’opposent les époques d’une société qui bascule. Ils appartiennent tous trois au collectif d’artistes de la Comédie. Le spectacle a été créé en peu de temps – moins de trois semaines – et cela semble ne pas suffire. Le spectacle suit le texte plus qu’il ne s’en empare, et le conflit qui fait vivre les situations est souligné excessivement. Dans ce contexte d’un théâtre presque nu, il faudrait sans doute une interprétation plus jubilatoire et un parti-pris de lecture mieux dessiné, un souffle, une vision qui portent le théâtre au-delà de ce qu’il est ici : la mise en scène honnête d’un texte dont on soupçonne qu’il pourrait être plus amplement valorisé. Reste le plaisir d’une relecture du mythe qui tourne à l’avantage des femmes : c’est une jeune fille qui provoque la perte du héros cynique, et deux gamines transforment l’homme au cœur de glace en bonhomme de neige. Horvath comme souvent traite ses personnages féminins avec un amour que les trouvailles théâtrales trop éparses du spectacle permettent tout à fait de mettre à jour.
Eric Demey
Jusqu'au 29 novembre, puis du 19 au 23 janvier 2015 à 19h, le samedi à 18h. Tel : 03 89 24 31 78. Durée : 1h40.
Au Théâtre du Rond-Point, André Dussollier [...]