« Petit Frère – La Grande histoire Aznavour » : Laure Roldán et Gaëtan Vassart racontent le destin de la famille Aznavourian
Laure Roldán et Gaëtan Vassart racontent [...]
En breton, Dispak signifie « ouvert, déployé, en désordre… » et Dispac’h « agitation, révolte, révolution ». Patricia Allio souhaite faire de la scène un levier de résistance et un espace de contagion affective. Elle signe un spectacle en forme d’agora qui dénonce les politiques migratoires européennes.
Quel déclic a été le point de départ de ce spectacle documentaire, créé au Théâtre de Lorient en novembre 2021 ?
Patricia Allio : Une session du Tribunal Permanent des Peuples consacrée à la violation des droits des personnes migrantes et réfugiées, à laquelle j’ai assisté en janvier 2018, à Paris. Il s’agissait, en quelque sorte, d’un tribunal d’opinion, avec une forme assez théâtrale, comme un jeu de rôle populaire et politique. L’une des choses qui m’a bouleversée, c’est le haut degré d’expertise qui se confrontait à une dimension très intimiste. J’y ai repensé pendant des mois, en me disant qu’il serait formidable d’apporter une extension à ce Tribunal Permanent des Peuples sur une scène de théâtre.
Vous sentiez-vous concernée par la question des politiques migratoires depuis longtemps ?
P.A. : Oui, ce sujet me hante depuis de nombreuses années. Car la réalité des politiques migratoires françaises et européennes n’a pas cessé de se dégrader, visant à transformer une pensée de l’accueil en pensée de l’éloignement. J’ai donc eu envie de me servir de la scène comme d’un levier de résistance, de réactiver une forme de théâtre politique, comme le théâtre antique pouvait l’être, de créer un espace où entendre une parole absolument inaudible par ailleurs, car il s’agit d’une parole juridique. Je parle ici de l’acte d’accusation rédigé par le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) pour le Tribunal Permanent des Peuples.
De quelle façon vous êtes-vous emparée de ce sujet ?
P.A. : J’ai pris le parti de construire une agora, en cherchant une forme capable de restituer la capacité de témoignage des personnes présentes sur scène*, sans la dénaturer, sans l’esthétiser, sans l’instrumentaliser, sans jamais parler à la place d’un exilé, en interrogeant le point de vue des Européennes et Européens que nous sommes. Tous les interprètes se trouvent au même niveau, au sein d’un espace quadri-frontal : un espace cartographique qui se déplie devant nous, au sol, tout au long de la représentation. Mon obsession était de rendre actives et actifs les spectatrices et les spectateurs, qu’ils et qu’elles soient sans arrêt sur le qui-vive, en train de découvrir quelque chose qui n’est pas donné d’emblée.
Quelles relations avec les publics ce procédé favorise-t-il ?
P.A. : En imaginant ce spectacle, j’avais en moi un rêve démocratique égalitaire. J’avais envie de créer un saisissement sensible qui, au lieu d’écraser le public avec du spectaculaire, lui permettrait d’aiguiser ses perceptions en allant vers de la précision et de la délicatesse. Face à la catastrophe humanitaire qui se joue chaque jour à nos frontières, face à l’impuissance politique généralisée, j’ai voulu redonner du poids aux faits, à ce qui est dit, aux personnes qui meurent, aux tragédies qui ont lieu. Je me suis dit qu’il fallait lutter contre l’indifférence qui s’est installée dans nos sociétés. J’ai conçu Dispak Dispac’h comme un espace de contagion affective au sein duquel on pourrait de nouveau prêter attention, être saisi par une conscience, redevenir des personnes agissantes, plonger ensemble dans une expérience collective de pensée qui nous donne de l’espoir et de l’élan.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
* À l’heure où nous écrivons ces lignes, le journaliste Mortaza Behboudi, interprète de Dispak Dispac’h, est emprisonné à Kaboul. Une pétition de Reporters sans frontières est en ligne pour obtenir sa libération
à 19h, relâche le 19 juillet. Tél : 04 90 14 14 14. Durée : 2h30.
Laure Roldán et Gaëtan Vassart racontent [...]