De la disparition des larmes de Milène Tournier, conception Lena Paugam

« Le personnage que Milène Tournier a écrit pour moi nous parle d’un monde en détresse où l’on pourrait envisager un rapprochement entre le réchauffement climatique et l’assèchement individuel, un monde où l’empathie et les larmes véritables, tout comme les puissances du désir, seraient en voie d’extinction. On ne connait pas le nom de cette femme. A un moment donné, un personnage lui donne le prénom de Barbara, comme Barbara Strozzi, la cantatrice et compositrice du XVIIème siècle dont elle vient d’écouter une œuvre. A la suite d’un trauma survenu à l’adolescence, cette femme a perdu la faculté de pleurer. Mais elle ne s’est pas immédiatement aperçue de cette disparition.

Un choc musical

Les années ont passé. Elle a construit son rapport au monde en rejetant les affects larmoyants des gens qui l’entourent, en s’indignant du déploiement obscène des larmes dans la société contemporaine. Un jour, une voisine lui fait écouter un morceau de musique qui la déplace. Elle ressent un véritable choc esthétique. Elle reste d’abord interdite, sans pouvoir identifier le changement opéré par cet événement. Puis elle commence à s’interroger sur son rapport aux larmes, associant leur absence à son incapacité d’agir. Elle se demande si ses larmes ont complètement disparu, ou bien si elles attendent simplement une future renaissance… »

Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat