David Ayala
Guy Debord : la force toujours active d’une parole radicale
Fascinant, énigmatique, stratège de la subversion… Guy Debord sème toujours le trouble. Quinze ans après sa mort d’une balle dans le cœur, en 1994, le fondateur de l’Internationale situationniste, auteur de La société du spectacle, aussi vénéré que décrié, est sans cesse cité, souvent à tort et à travers. David Ayala donne à entendre cette parole insurgée. Toujours dérangeante.
Etrange retournement… Je ne crois pas pourtant que sa pensée ait perdu de sa virulence et de sa force d’impact. Au contraire, la crise mondiale qui nous frappe me semble en rappeler toute la pertinence visionnaire. En 1988, il a d’ailleurs réactualisé son analyse dans Commentaires à la société. Il développe déjà les notions d’« empire », de « biopouvoir », du « spectaculaire concentré et intégré ». Il montre comment la soumission dans une société de surconsommation et de sur-médiatisation passe par les nouvelles technologies. N’est-ce pas la force du système capitaliste que d’intégrer ses propres critiques pour se renouveler, ainsi que le montraient notamment Luc Boltanski et Eve Schiapello dans Le Nouvel esprit du capitalisme?
Le système fait mine d’intégrer la critique. Mais pourquoi acceptons-nous de vivre dans la « servitude volontaire » et dans la soumission à un mode de vie dégradant, injuste, dévastateur et profondément aliénant ?
Sur quels matériaux avez-vous travaillé ?
Comment mettre cette parole « en spectacle » ?
J’assume le paradoxe. Le spectacle se compose à vue, comme si les propos de Debord effectuaient un scanner de la société actuelle. Les images sont projetées et mises en interaction avec les acteurs et techniciens, qui font vivre cette parole en regard de l’actualité, dans des « situations » construites comme des séquences de tragi-comédie. La mise en scène pose la question du spectateur, en tant que citoyen consommateur, mais aussi bien sûr en tant que public. Scanner fonctionne sur des arrêts de la machine spectaculaire, comme si le théâtre s’épuisait, tombait en panne sous nos yeux.
Entretien réalisé par Gwénola David
Scanner, d’après Guy Debord, conception et mise en scène de David Ayala, du 2 au 21 mars 2009, à 20h, sauf samedi 21h et dimanche 16h, au Théâtre Gérard Philipe, 59 boulevard Jules Guesde, 03207 Saint-Denis. Rens. 01 48 13 70 00 et www.theatregerardphilipe.com.