La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Culture en danger

Culture en danger - Critique sortie Théâtre Aubervilliers Théâtre de la Commune
Crédit photo : Gilles Kneusé Légende photo : David Géry

Théâtre de la Commune /La Coupole-Scène Nationale de Sénart
D’après Ray Bradbury / mise en scène David Géry

Publié le 20 décembre 2012 - N° 205

Que serait un monde sans livre, gouverné par l’hyperconsommation, l’individualisme et l’ignorance ? Le metteur en scène David Géry porte au théâtre Fahrenheit 451, roman d’anticipation écrit en 1953 par Ray Bradbury, œuvre visionnaire qui alerte sur les dangers d’un monde sans culture.

« Le futur qu’imaginait Bradbury est entré dans notre réalité. »

Ray Bradbury a écrit cette fiction voici soixante ans. Pourquoi la porter à la scène aujourd’hui ? Ces visions se seraient-elles réalisées ?

David Géry : Le futur qu’imaginait Bradbury est entré dans notre réalité. La troisième révolution industrielle, par l’informatique et les nouvelles technologies de communication, a bouleversé la production, les supports et la circulation de l’information, mais aussi notre rapport au temps, à la mémoire. Nous vivons dans un présent continu, qui abolit les analyses, les questionnements et les perspectives historiques. Une actualité chasse l’autre, et ainsi de suite. La mise à disposition des informations en quelques clics sur internet incite de moins en moins les gens à apprendre et à solliciter leurs capacités mémorielles. Fahrenheit 451 décrit une société qui décervèle les citoyens à coups de publicité, de programmes de téléréalité, qui détruit les livres, la pensée, la liberté, « parce qu’ils empêchent d’être heureux », ce qui touche évidemment la vie collective mais atteint aussi les relations les plus intimes, comme dans ce couple où chacun a tout simplement oublié l’autre et ne sait que faire ensemble. C’est la dictature du divertissement, qui encourage la paresse intellectuelle. Dans nos démocraties, la haine du savoir et le contrôle de la parole se sont propagés, mais plus insidieusement que dans les totalitarismes. Je sens que la culture et l’éducation sont menacées.

Comment avez-vous cheminé dans le roman pour l’adaptation ?

D. G. : J’ai cherché la théâtralité que nous pouvions faire surgir d’entre les lignes. L’adaptation s’appuie sur les questionnements qui traversent le roman, sur leurs résonances politiques et intimes. Dans la forme théâtrale, elle suit le cheminement du personnage central, Montag, qui peu à peu prend conscience de l’état du monde et se transforme, entre en action, en résistance. Dans la première séquence, le récit est donné en voix off. C’est ensuite Montag qui s’empare de la narration, à la troisième personne du singulier, pour finir par se l’approprier et dire « je », ce qui marque son passage à l’acte, son entrée en rébellion : il devient acteur. Enfin, lors sa fuite et de sa rencontre avec les hommes-livres, le texte est porté par un chœur, dans une adresse directe au spectateur.

Quels défis ce récit projeté dans un futur visionnaire pose-t-il au metteur en scène ?

D. G. : J’ai gommé ce qui relève de la science-fiction pour situer l’histoire dans le présent. Certaines des technologies imaginées par Bradbury, telles que les murs-écrans, existent de nos jours. Par ailleurs, le feu est un élément très présent dans l’œuvre, jalonnée d’autodafés. Je l’ai intégré grâce au Groupe F, compagnie qui maîtrise parfaitement les effets de pyrotechnie. Le texte fait l’éloge de l’amour des livres. J’ai demandé à des amateurs, qui sont libraires, écrivains, éditeurs, grands reporters, philosophes… de participer au chœur. Ils incarnent les hommes-livres et délivrent la parole du roman, comme des passeurs.

Entretien réalisé par Gwénola David

A propos de l'événement

Culture en danger
du mercredi 16 janvier 2013 au dimanche 3 février 2013
Théâtre de la Commune
2 rue Edouard Poisson, 93304 Aubervilliers

Du mercredi 16 janvier au dimanche 3 février 2013, mardi et jeudi à 19h30, mercredi et vendredi à 20h30, samedi à 18h, dimanche à 16h. Tél. : 01 48 33 16 16. Durée : 2h. A la Coupole-scène Nationale de Sénart(producteur du spectacle) du 19 au 23 février 2013 à 20h30, mercredi et jeudi à 19h30. Rens 0160345360 www.scenenationale-senart.com
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