La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Christian Schiaretti et Jean-Pierre Jourdain

Christian Schiaretti et Jean-Pierre Jourdain - Critique sortie Théâtre
Mention photo : Christian Ganet

Publié le 10 mai 2008

Quel théâtre public pour demain ?

A l’occasion de la fermeture du TNP pour de longs travaux de rénovation jusqu’en 2010, Christian Schiaretti a choisi de clore sa saison en réactualisant les problématiques issues de la Déclaration de Villeurbanne du 28 mai 1968. Quarante ans après, jour pour jour, que reste-t-il des ambitions programmatiques du théâtre populaire ? Jean-Pierre Jourdain et Christian Schiaretti réunissent plusieurs personnalités pour en débattre, les 22, 23 et 24 mai prochains.

Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de ces trois jours de réflexion ?
Christian Schiaretti : D’abord la situation conjoncturelle : on ferme le TNP, des travaux vont faire disparaître le lieu tel qu’il était de 1972 à 2008. Il s’agit donc de savoir le fermer en saluant ce que ce lieu mythique a pu représenter de la conscience que le théâtre public a de lui-même. En même temps, il ne s’agit pas d’un geste commémoratif qui plongerait les questions de 68 dans le formol, mais de les poser à nouveau aujourd’hui, de débattre à nouveau des problèmes auxquels elles renvoient et de réfléchir à l’écart entre la pensée de l’époque et la capacité – ou incapacité – de notre réflexion actuelle.
 
Comment s’organisèrent les choses en 1968 ?
Jean-Pierre Jourdain : Personne n’avait vraiment organisé le ralliement de Villeurbanne. Lors de la prise de l’Odéon, le 13 mai, le piège s’est refermé sur Barrault qui a été sommé d’ouvrir les portes de son théâtre sans pouvoir faire quoi que ce soit. Que faire alors ? Comment dialoguer avec les contestataires ? Les gens se sont retrouvés à Villeurbanne, plus calme que les grandes villes chahutées et jouissant de l’aura de Planchon. Les artistes, s’interrogeant sur leur profession, son fonctionnement et son rapport à l’autorité, ont conversé ensemble et avec les contestataires réunis sur le parvis. Après trois jours de réflexion, la Déclaration de Villeurbanne a été signée par trente-trois personnalités et publiée dans Le Monde le 22 mai 68. Après 68, la droite revenue au pouvoir, certains des signataires ont été sanctionnés par leurs tutelles. Quatre années de règlements de comptes ont suivi jusqu’à l’arrivée de Jacques Duhamel au ministère de la Culture en 1972 qui a décidé que cette déclaration aurait valeur de charte et d’ancrage dans la décentralisation.
 
« Le problème de la création n’est pas à renvoyer seulement à ses moyens. » Jean-Pierre Jourdain

S’agit-il pour vous, quarante ans après, de produire une nouvelle déclaration ?
C. S. : Non ! Mais au moment où on construit ce nouvel outil que sera pour nous le TNP rénové, il s’agit de réfléchir à la façon de le pratiquer. Comment pourrait-on répondre a priori aux questions posées pendant ces trois jours ? Il s’agit plutôt de se demander comment on en est arrivé à la situation actuelle et pourquoi il est si difficile de se mobiliser.
J.-P. J. : L’époque a changé. Aujourd’hui, le Président de la République trace l’avenir de la culture dans une lettre ouverte – donc adressée à tous – au Ministre de la Culture. Mais le but n’est pas de se polariser sur Sarkozy ni de se mettre à brailler uniquement pour des problèmes d’argent. Le problème de la création n’est pas à renvoyer seulement à ses moyens ; il faut poser les vraies questions !
 
Lesquelles ?
J.-P. J. : Justement celles qu’on peut reposer d’après la Déclaration de 68 ! Premières questions : celles autour du problème du financement. La Déclaration de Villeurbanne demandait que 3% du budget de l’Etat soient dévolus à la culture. Ca n’a jamais été le cas ! Au mieux, on a atteint 1% en 81, c’est tout. Deuxième série de questions : celles liées au « non-public », cette formule devenue courante. Comment développer le travail d’éducation populaire aujourd’hui ; l’évolution du public n’a-t-elle pas rendu caduque son analyse en termes de classes sociales ? Comment le théâtre peut-il répondre à ce changement de composition du public ? Troisième série de questions : 68 demandait la liberté des créateurs et l’autonomie de la programmation. Lorsque, aujourd’hui, la lettre ouverte de Sarkozy annonce que le taux de fréquentation des salles doit être pris en compte dans les subventions, qu’en est-il ? Le théâtre n’est-il pas déjà pris d’ailleurs dans un mode de fonctionnement qui agit sur la création ?
 
Dans quelle mesure ?
C. S. : Dans la dérive festivalière des programmations par exemple. Les saisons sont désormais conçues comme des catalogues de spectacles dont on assure la diffusion. Est-ce qu’on ne pourrait pas plutôt réfléchir à des conditions de création et d’activité régulières des théâtres ? De même, dans nos maisons, l’activité spectaculaire est souvent réduite à deux semaines par mois. Ne faut-il pas plutôt un théâtre ouvert tous les soirs ? Qu’en est-il enfin de la réalité de l’animation des lieux par des troupes qui seraient un réservoir d’acteurs permanents ? J’ai des réponses potentielles à toutes ces questions, non pas au nom de grands principes citoyens mais pour des raisons artistiques. Mais mes réponses ne suffisent pas. Voilà pourquoi cette réunion s’impose !
 
Propos recueillis par Catherine Robert


Quel théâtre public pour demain ? 40 ans après la Déclaration de Villeurbanne. Le 22 mai 2008, de 18h à 20h, L’Etat mécène : aide à l’initiative ou liberté relative ? ; le 23 mai, de 18h à 20h, Le théâtre peut-il instituer une culture commune ? ; le 24 mai, de 18h à 20h, Entre le vertige de l’événement et le labeur de la continuité, quelle part pour la création ? TNP – Villeurbanne, 8, place Lazare-Goujon, 69627 Villeurbanne cedex. Téléphone : 04 78 03 30 00.

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