La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2009 - Entretien Diogène Ntarindwa

Carte d’identité : histoires et Histoire

Carte d’identité : histoires et Histoire - Critique sortie Avignon / 2009

Publié le 10 juillet 2009

Enfant de réfugiés rwandais qui a grandi au Burundi, Diogène Ntarindwa porte à la scène son histoire hantée par la guerre. Il interprète une dizaine de personnages pris dans le tourbillon de l’Histoire.

Pourquoi avez vous voulu mettre en mots votre existence et pourquoi avoir choisi le théâtre pour faire entendre cette expérience ?
Diogène Ntarindwa : C’est l’aboutissement d’un processus dont le point de départ est une interrogation venue assez tôt dans ma vie, sur des sujets tels que l’identité, la mémoire, ainsi que ma condition d’exilé qui donna aux sujets précédents une résonance particulière. Si cette parole m’est apparue légitime à porter, il me restait néanmoins à résoudre le défi de la compétence, d’où le choix du théâtre comme moyen d’expression adéquat.

« Mon identité s’est construite sur le rejet et le refus de la condition d’exilé et de l’apatridie, donc inévitablement sur la revendication. »

Comment votre identité s’est elle construite ? Quand avez-vous été confronté à la guerre durant votre jeunesse ? 
D. N. : Mon identité s’est construite sur le rejet et le refus de la condition d’exilé et de l’apatridie, donc inévitablement sur la revendication, sur la découverte et l’exaltation du Rwanda dont nos parents avaient été chassés. Je suis né et j’ai grandi au Burundi, pays dont l’histoire récente, comme celle du Rwanda, a été souvent marquée par des conflits violents de manière quasi cyclique. La guerre qui a eu le plus de répercussions sur ma vie fut celle déclenchée au Rwanda suite à l’attaque du Front Patriotique Rwandais le 1er octobre 1990. Ce mouvement, actuellement au pouvoir, militait entre autres pour le retour au pays des réfugiés rwandais en exil, ce qui lui attira notamment la sympathie et l’adhésion de la diaspora rwandaise, et en particulier de la jeunesse qui, comme moi, s’engagea par milliers dans les rangs du FPR, pendant les quatre ans qu’a duré la guerre.
 
 
Dans votre pièce vous donnez vie à plus d’une dizaine de personnages. Comment s’articulent la petite histoire et la Grande Histoire (avec une grande hache comme dit Perec) ?
D. N. : Ce choix de mise en scène met l’accent sur l’action au détriment de la narration. Dans ce travail qui aurait pu s’intituler Moi dans la Grande Histoire, les deux dimensions de l’histoire ne sont pas en confrontation, mais relèvent plutôt d’une démarche de complémentarité visant à démontrer comment les événements de la Grande Histoire peuvent influer sur, et même forger notre petite histoire. Une démarche plus proche du constat que du jugement. Plus concrètement le metteur en scène Philippe Laurent et moi avons travaillé sur les personnages et les moments qui nous ont semblé emblématiques de ce que je voulais raconter, le personnage d’un certain vice-gouverneur par exemple fait  partie de la Grande Histoire…
 
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le Rwanda et le Burundi ?
D. N. : Mon regard sur le Rwanda est un regard apaisé, confiant dans l’avenir, empreint de satisfaction et de la conviction que le pire est derrière, que le Rwanda d’aujourd’hui, qui a su se relever du génocide, saura se montrer inventif et audacieux pour les défis présents et futurs. Mon sentiment sur le Burundi est devenu plus tendre. Ce pays, sans être hostile aux miens, leur a souvent rappelé qu’ils étaient d’ailleurs. Mais je n’oublie pas que j’ai pu y bénéficier d’une éducation et d’autres avantages dont je suis profondément reconnaissant.
Aujourd’hui mon sentiment s’est mué en un amour profond qui me pousse à étudier les modalités d’y mener des projets pour être plus utile à la population de ce pays qui m’a vu naître et grandir. Mes voyages au Burundi sont d’ailleurs les plus beaux car ils me ramènent au pays de mon enfance.

Propos recueillis par Agnès Santi

Carte d’identité de et avec Diogène Ntarindwa  du 8 au 28 juillet à 11h, relâche le 20 à la Manufacture, 2 rue des Ecoles. Tél : 04 90 85 12 71.

A propos de l'événement


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